Un journal communal... Une fausse bonne idée?

  • Le Conseiller communal Denis Corboz souhaiterait que Lausanne se dote d'un journal communal.
  • Une perspective qui pose de nombreuses questions de coût, d'abondance d'information, et de neutralité politique.
  • Les partis lausannois privilégient plutôt le recours aux journaux locaux.

  •  Entre un site web et une application mobile de qualité, y a-t-il de la place pour un journal communal? DR

    Entre un site web et une application mobile de qualité, y a-t-il de la place pour un journal communal? DR

«Ce genre de publication répond à un besoin»

Benoît Gaillard, président du PS lausannois

À l’heure d’internet, des réseaux sociaux et de la surabondance de l’information, y a-t-il une place pour un journal communal papier à Lausanne? C’est en tout cas ce que pense le Conseiller communal socialiste Denis Corboz, auteur d’un postulat en ce sens déposé au Conseil communal lausannois en janvier dernier (lire l’interview ci-dessous).

«De nombreuses villes du canton et dans notre agglomération, - citons Morges, Renens ou même Pully - connaissent une telle publication, et n’envisagent pas de la supprimer, ce qui montre qu’elle répond à un besoin, observe ainsi le socialiste Benoît Gaillard, pour lequel l’idée mérite clairement «d’être explorée».

Pour intéressante qu’elle puisse paraître, l’idée peine pourtant à séduire. L’UDC la balaye d’un revers de main. «Il y a assez de paperasse comme ça et aucune raison de faire concurrence à des journaux qui existent déjà, d’autant que nous sommes submergés de communiqués de presse de la Ville», assène Anita Messere la présidente de l’UDC lausannoise.

Quand aux autres partis lausannois, il accueillent l’idée avec une circonspection polie, sans la rejeter franchement, mais sans y adhérer avec enthousiasme. «L’idée n’est pas mauvaise» disent les uns, «pourquoi pas», répondent les autres, trahissant une véritable interrogation des élus communaux.

Et pour cause, la mise en place d’un journal communal, dans le contexte actuel suscite beaucoup de questions. D’abord parce qu’en termes de vecteurs de communication, Lausanne est plutôt bien pourvue. «Ce serait un peu superfétatoire d’avoir un journal communal, constate Florence Bettschart -Narbel, présidente du PLR, d’autant que ce genre d’info sur papier devient vite obsolète, alors que la ville a une application très bien faite pour annoncer toutes ses manifestations et communiquer sur sa vie politique».

«Entre internet, les réseaux sociaux, les courriers des services adressés largement aux utilisateurs des prestations communales et surtout la bonne couverture de la politique lausannoise par la presse, la Ville dispose déjà de nombreux canaux de communication, constate également Jean-Marie Fürbringer au nom des Vert’libéraux.

«Le risque, ce serait qu’il y ait double emploi avec les autres publications de la ville, renchérit Philipp Stauber, du parti libéral conservateur. Comment positionner un tel journal dans l’entier de la politique de communication actuelle de la ville?»

Une question d’autant plus pertinente qu’un journal communal aurait un coût certain. «Dans l’absolu, l’idée est intéressante, mais pas dans le contexte financier que connaît la ville, met en garde le PDC Manuel Donzé, qui estime que «les médias relaient déjà beaucoup les actions de la Municipalité».

Privilégier les journaux locaux

Sans compter enfin le risque de récupération d’un journal communal à des fins politques, comme le relèvent de nombreux chefs de partis. «Les socialistes veulent-ils un journal moins indépendant avec un journal communal? C’est possible» s’interroge encore Manuel Donzé. «Un tel journal devrait être absolument neutre», prévient de son côté Florence Bettschart, sur la même longueur d’onde que Jean-Marie Fürbringer des Vert’libéraux pour qui il faut «trouver le moyen d’informer sans que cela devienne de la propagande».

Résultat: devant toutes ces questions, coût, neutralité politique et abondance des vecteurs de communications, la plupart des partis se demandent s’il ne serait pas mieux d’avoir plutôt recours aux journaux lausannois, Lausanne Cités et 24 heures. «Il semblerait intéressant à première vue de privilégier la piste des journaux locaux en les envisageant comme des relais dans le cadre d’une démocratie citoyenne, avance ainsi Léonore Porchet présidente des Verts lausannois. En développant un échange entre ces journaux à l’ancrage local, la ville pourrait ainsi soutenir l’engagement citoyen dans les quartiers, tout en facilitant la transmission d’informations factuelles auprès de la population.»

La présidente verte rejoint ainsi Philipp Stauber qui estime également que communiquer par les médias locaux pourrait «être une bonne solution», ainsi que le Vert-libéral Jean-Marie Furbringer qui conclut: «Une solution pourrait résider dans l’achat par la ville de pages dans les médias papier, une sorte de newsletter qui permettrait de diffuser des projets importants et atteindrait les personnes qui n’utilisent pas Internet pour s’informer.»

Denis Corboz: "un bulletin factuel de qualité"

Un journal communal à Lausanne? Comment vous est venue cette idée?

Je suis un enfant de Renens, et mes parents y habitent encore. Chaque fois que je leur rends visite, je trouve le journal communal de la ville sur la table. E je me suis surpris à le lire, en constatant qu’il était très bien fait. C’est là que je me suis dit: pourquoi pas à Lausanne?

Avec internet, un grand nombre d’informations sont d’ores et déjà disponibles pour les citoyens...

Justement, le problème avec internet, c’est qu’il y a trop d’informations et qu’on ne sait plus du tout où les chercher. Un journal communal donnerait un autre niveau de filtrage qui serait bienvenu.

Les journaux qui couvrent l’actualité lausannoise comme Lausanne Cités ou 24 heures ne suffisent-ils pas?

Il ne s’agit pas du tout de faire ce que font Lausanne Cités ou 24 heures. Le mot «journal» est d’ailleurs un peu trop fort. L’idée serait de produire une sorte de bulletin communal avec un bon graphisme et dont la périodicité serait à déterminer. Ce bulletin permettrait de mettre en valeur toutes ces petites informations qui ne sont pas relayées par la presse actuelle et ce moyennant un petit effort financier de la part de la Ville.

Un bulletin communal pour une municipalité de gauche ultra-majoritaire. N’y a-t-il pas de risque d’en faire un journal trop marqué idéologiquement?

Il ne s’agit pas de revenir au journal qui existait dans les années 90 et qui était très attaqué par la droite. Dans mon propos, il s’agit d’éditer un bulletin factuel et de qualité et qui ne soit surtout pas politique. Je suis convaincu que toutes les petites histoires et informations locales intéresseraient beaucoup de monde. D’ailleurs, j’ai rédigé le postulat avec Anne Decollogny qui est d’une autre génération que la mienne et qui en a également ressenti le besoin.