Université: des examens la boule au ventre

Les étudiants subissent de plein fouet l’impact de la pandémie sur leur vie et leurs études.
Ils demandent des mesures dérogatoires exceptionnelles pour les examens de juin.
L’Université privilégie plutôt des mesures de soutien ainsi qu’une aide psychologique.

  • Les étudiants de l’UNIL se sentent fragilisés. UNIL

    Les étudiants de l’UNIL se sentent fragilisés. UNIL

«Nous n’avons pas la même qualité d’enseignement qu’avant le Covid»

Une étudiante de l’UNIL

Ils ont peur et le font savoir. Dans très exactement un mois, les étudiants de l’Université de Lausanne (UNIL) entameront leur session d’été d’examens. La boule au ventre. Ils ont peur en raison d’un quotidien difficile semé d’embûches. Peur en raison d’un avenir plus qu’incertain. Peur enfin en raison de ces examens qui ne s’annoncent pas, c’est le moins que l’on puisse dire, sous les meilleurs auspices.

Et pour cause: les étudiants sont les victimes silencieuses de la pandémie de Covid. «Je suis au bout du rouleau et dans un état psychologique qui ne me permet pas de préparer mes examens témoigne Maud, étudiante en sciences politiques à l’UNIL. Kevin quant à lui n’a connu de l’université que les 4 murs de sa chambre, passant sa première année de fac quasiment cantonné en visioconférence, sans jamais avoir pu rencontrer ses nouveaux camarades. Julie enfin, a dû retourner chez ses parents dans le Jura, ayant perdu le petit job de serveuse qui lui permettait de payer ses factures, les établissements de restauration ayant fermé en raison de la pandémie.

Abandonnés

«Nous nous sentons abandonnés, résume Nina Bidet, co-présidente de la Fédération des associations d’étudiants de l’UNIL. Ne pas pouvoir sortir, ne pas pouvoir faire de sport, ne pas garder son job d’étudiant, passer 8 heures par jour sur zoom. Notre santé mentale est affectée parce que nous n’avons plus de contacts, de mauvaises conditions d’études, et des inquiétudes pour notre avenir.» Et c’est sur le court terme que ces craintes s’expriment. Les conditions actuelles d’enseignement garantissent-elles un niveau de préparation suffisant pour permettre aux étudiants de passer les examens de juin dans des conditions optimales? «Quand on considère qu’un bachelor dure 3 ans et que cela fait un an et demi que l’on suit nos études en ligne, on se pose des questions sur la qualité de notre formation, déplore Maud. Il est évident que les conditions pédagogiques ne sont pas idéales, et que nous n’avons pas la même qualité d’enseignement qu’avant le Covid, d’autant que beaucoup d’enseignants n’acceptent même pas d’enregistrer leur cours.»

Pour affronter la session d’examens qui arrive, les étudiants ont donc demandé des assouplissements au nom des circonstances exceptionnelles liées à la pandémie: d’abord accepter le principe de «la tentative zéro», c’est-à-dire de faire en sorte qu’un échec éventuel ne soit pas comptabilisé dans le quota des deux essais admis à un même examen, avant qu’un échec définitif ne soit prononcé. L’autre demande est la possibilité de se désinscrire à un examen jusqu’à une date très proche de celui-ci et sans que cette désinscription ne soit comptabilisée comme un échec. «Ces mesures nous enlèveraient un énorme poids à un moment où nous sommes passablement fragilisés, ajoute Nina Bidet, et ce d’autant que la tentative zéro a par exemple déjà été accordée en juin 2020.»

Génération sacrifiée?

Une année plus tard, les conditions d’enseignement et l’évolution de la pandémie semblent en tout cas avoir suffisamment changé pour que l’Université refuse d’entrer en matière et ce malgré les multiples rencontres avec les étudiants ou leurs représentants. Une récente directive datant du 27 avril précise ainsi que «Les conditions de réussite sont celles prévues dans les règlements de faculté, d’Ecole, d’études et d’admission ainsi que dans les plans d’études». En outre, seule une quarantaine peut être reconnue comme «un juste motif pour le retrait à un ou des examens qui ont lieu en présentiel» tandis que les examens en ligne doivent obligatoirement être passés.

Accepter les demandes des étudiants, implique selon l’Université un risque de dévaluation des diplômes et surtout une très probable hausse du nombre d’étudiants l’année prochaine ce qui prétériterait les chances des nouveaux étudiants. «Notre génération est sacrifiée pour préserver les futurs étudiants, conclut Julie désabusée. Nos difficultés ne sont vraiment pas prises en compte parce que l’université considère que nous avons eu le temps de nous adapter. C’est injuste!»

«Le vice-recteur enseignement Giorgio Zanetti a réaffirmé une volonté affichée de venir en aide aux étudiants en difficulté, conclut Géraldine Falbriad porte-parole de l’UNIL. Il leur a rappelé qu’ils ne doivent pas hésiter à faire appel aux aides mises en place pour eux et à consulter l’aide psychothérapeutique de l’UNIL ou l’aide de leur choix pour obtenir un certificat s’ils sont dans l’incapacité de passer un examen».

La vie devant soi? L'éditorial de Charaf Abdessemed

D’un côté il y a les gardiens du Temple. De l’Institution avec un I majuscule. Et de l’autre il y a des étudiants. Au milieu, une pandémie qui n’a épargné aucun pan de la société. Travailleurs précaires, personnels de santé, personnes âgées, compagnies aériennes, restaurateurs... la liste de ses victimes est interminable et n’en finit pas de s’allonger. Parmi celles-ci, les étudiants, font office de figures sacrificielles, victimes d’un délit de jeunesse. Après tout, pourquoi écouter et prendre en compte les difficultés de ces jeunes qui ont la vie devant eux et pour les plus chanceux, leurs parents derriere eux?

Leur quotidien pourtant est marqué par une précarité incontestable: des études à distance dans des conditions très improbables, des petits boulots passés à la trappe pour cause de confinement, une détérioration attestée de leur santé mentale et une vie sociale réduite à néant.

Dans ce contexte évidemment les examens qui approchent font figure d’épée de Damoclès, d’autant que l’université leur refuse la quasi-totalité des assouplissements demandés (Lire notre article ci-contre). Malgré les rencontres et les multiples tentatives de conciliation, leurs revendications pourtant modestes au demeurant se heurtent à l’intransigeance de l’alma ater, sourcilleuse gardienne de la validité des diplômes et de la qualité de la formation, mais chez laquelle on soupçonne un arrière-fond de conservatisme rigoriste atavique.

Une intransigeance d’autant plus incompréhensible que bien d’autres catégories sociales, parfois moins prétéritées mais plus prégnantes économiquement et médiatiquement, ont bénéficé d’une authentique mansuétude, au nom de la pire crise sanitaire et économique que l’humanité ait connue depuis des lustres.