Valérie Dittli: «Lausanne manque de vision dans le domaine de la mobilité»

POLITIQUE • Sensation des dernières élections cantonales, la centriste Valérie Dittli endossera officiellement son rôle de conseillère d’Etat ce 1er juillet. Elle aura la lourde tâche de remplacer le PLR Pascal Broulis en reprenant le département des finances. Entretien.

  • Valérie Dittli est née le 7 octobre 1992 à Oberägeri dans le canton de Zoug. VERISSIMO

    Valérie Dittli est née le 7 octobre 1992 à Oberägeri dans le canton de Zoug. VERISSIMO

«J’ai l’intention de rester moi-même, accessible et à l’écoute»

Lausanne Cités: Dès le 1er juillet, vous serez officiellement conseillère d’Etat, vous êtes prête?
Valérie Dittli: Oui, ces dernières semaines, j’ai passé beaucoup de temps avec Pascal Broulis et Philippe Leuba pour que la transition se déroule de la meilleure des manières. Ils m’accompagnent vers ma nouvelle fonction en me présentant les enjeux et les projets en cours. J’ai aussi participé à plusieurs séances avec les chefs de service.

Pascal Broulis et Philippe Leuba n’ont pas été trop paternalistes?
(rires) Non, je ne ressens pas cela. Ils ont à l’esprit le bien-être du canton, ils souhaitent donc très logiquement que cela se passe bien. Je leur ai aussi fait comprendre que j’ai un énorme respect pour le défi majeur qui m’attend. Je vais le relever en restant moi-même, mon caractère solide m’y aidera.

Tout de même, devenir la nouvelle grande argentière, il y a de quoi avoir le vertige…
Je suis consciente que cela sera difficile, mais je suis prête à relever ce défi. Je vais devoir apprendre rapidement, me donner à 200%. Je le ferai avec humilité et passion. Sans oublier de prendre du temps pour moi à certains moments…

Depuis votre élection surprise le 10 avril dernier, on a surtout répété que vous n’avez pas d’expérience politique et aucun parti fort derrière vous, cela finit-il par vous agacer?
Parfois. Disons que si la critique est constructive, cela me va. Mais s’il s’agit de répéter que je n’ai que 29 ans et que je viens de Zoug, je ne vois pas l’intérêt. Je ne prête d’ailleurs plus trop d’attention à ces remarques car je n’aime pas les préjugés.

Vous avez étudié le droit à l’Université de Lausanne. Comment devient-on une experte en finance en seulement quelques semaines? Vous avez suivi des cours accélérés?
Je ne suis de loin pas encore une experte! J’apprends tous les jours et je le fais rapidement. Je suis également très bien entourée, sur le plan personnel et professionnel. Je sais que je serai soutenue par mes proches.

Vous venez d’un autre canton, de surcroît alémanique, c’est quoi l’esprit vaudois pour vous?
(Elle réfléchit un moment) Les Vaudoises et les Vaudois sont d’abord des personnes modestes qui disposent d’une belle ouverture d’esprit.

Voilà pour le côté positif, mais il y a quand même des choses qui doivent vous déranger, non?
Pas chez les gens, les particularités des uns et des autres doivent être respectées. Mais au niveau politique, il y a parfois un manque de vision. Prenez le cas de la mobilité à Lausanne. Au lieu d’opérer un véritable changement, où tous les besoins peuvent se retrouver, la Ville préfère opposer les différents moyens de transports. Il faut encourager et promouvoir la mobilité douce, mais il faut aussi prendre en compte les besoins des personnes vivant en dehors de la capitale vaudoise. En tant que centriste je comprends les arguments de tous bords, et il m’apparaît urgent de mettre sur la table cette question pour que tout le monde s’y retrouve.

Plusieurs communes vaudoises ont reproché à Pascal Broulis sa tendance à basculer les charges sur leur dos pour assainir les comptes du canton, vous comptez vous y prendre autrement?
Je connais ces critiques, mais il est trop tôt pour moi de vous répondre. Pour l’instant, je prends peu à peu connaissance des dossiers donc je serais plus en mesure d’ici à quelques mois de proposer des pistes sérieuses. Ce qui est sûr, c’est que j’irai à la rencontre des communes vaudoises.

Jeune et inexpérimentée ne craignez-vous pas de devenir l’otage de votre administration?
Comme je l’ai dit précédemment, je n’aime pas les a priori. Laissez-moi entrer en fonction et faire mes preuves. Pour l’instant, je n’ai rencontré que des personnes bienveillantes, qui respectent la distinction entre la politique et l'administration.

Et si cela devait en être autrement?
Je verrais sur le moment comment gérer la situation. Mais j’ai une vision et je saurai la défendre.

Justement, quelle est votre vision?
Je m’intéresse au long terme. Je souhaiterais rendre du pouvoir d’achat à la classe moyenne et aux familles. Garantir que nous investissons dans et pour la jeunesse. Le réchauffement climatique dans les villes, par exemple, est l’une de mes préoccupations. Par contre, je me méfie du terme «urgence», car cela semble parfois justifier chez certains des comportements extrêmes.

Vous parlez comme une PLR…
Non, les centristes ont selon moi une idée vraiment plus solidaire de la société. Ils recherchent plus volontiers la cohésion, aiment construire des consensus entre les partis et les idées.

Quelle sera votre première décision lorsque vous prendrez possession de votre bureau le 1er juillet prochain?
Je souhaite que des bornes de recharge pour les véhicules électriques soient installées sur la place du Château. Mais apparemment la Ville de Lausanne n’en veut pas…

Votre prédécesseur, Pascal Broulis, a longtemps formé un duo de choc avec le socialiste Pierre-Yves Maillard pour faire avancer les réformes, vous avez trouvé votre allié à gauche?
Je vois les choses différemment, je préfère privilégier l’esprit d’équipe. Nous serons sept au Conseil d’Etat et je souhaite que nous soyons sept à faire passer les projets ensemble.

Les députés vaudois ont voté une baisse d’impôts pour 2023. Pour ceux qui gagnent jusqu’à 75'000 francs, l’allégement représentera 70 francs par an, l’enfer fiscal vaudois sera-t-il toujours une réalité en 2023?
Prenons l’exemple d’un couple qui a des enfants et où la femme, c’est encore souvent le cas, a décidé de réduire son taux d’activité pour s’occuper de sa famille. Après quelques années, les enfants sont suffisamment grands pour qu’elle décide de reprendre son travail à temps plein. Si la fiscalité l’en dissuade, alors il y a un problème. Dès mon entrée en fonction, je vais m’intéresser à l’imposition des personnes physiques et voir ce qu’il est possible de faire.

Vous allez continuer de communiquer sur tous les réseaux sociaux, y compris TikTok?
Oui car la manière de communiquer a tellement changé qu’il faut s’y adapter. Mon but est de renseigner la population sur ce que je ferai au quotidien en tant que conseillère d’Etat.

Qu’est-ce que vous ne pourrez plus faire dès le 1er juillet prochain?
(rires) Ah, mais je dois changer quelque chose? Plus sérieusement, ma vie sera forcément différente, mais j’ai l’intention de rester moi-même, accessible et à l’écoute.

Conseillère d’Etat à 29 ans, soyez honnête, vous visez le Conseil fédéral à 39 ans?
Il ne faut jamais planifier une carrière politique. Je peux cependant vous faire une confession, je n’ai encore jamais pensé au Conseil fédéral. Pour l’instant, je vais me concentrer sur le défi qui m’attend. Ma seule préoccupation est d'œuvrer pour le bien des Vaudoises et des Vaudois.