Tribune libre: "Un chauffage à distance bien peu renouvelable"

Conseiller communal et ingénieur EPFL,  Richard Golay, dire, comme le fait la Ville de Lausanne, que la chaleur de Tridel peut être considérée comme renouvelable alors qu’une part élevée des déchets provient de matériaux à base de pétrole n’est pas correct.

Avec le tiers de la chaleur provenant de la combustion de gaz fossile, le réseau de chaleur lausannois est en fait écologiquement peu performant.

La Ville de Lausanne a publié récemment dans les colonnes de ce journal un article intitulé «Faire feu de tout bois». On y apprend qu’en 2019, 61,9% de la chaleur distribuée sur le chauffage à distance de la Ville provenait de l’usine d’incinération de Tridel. Détail important, l’apport thermique de cette usine est qualifié dans le texte de «considéré comme renouvelable». L’objet ici n’est pas de critiquer la valorisation énergétique de nos déchets, au contraire, Tridel est à ce titre une réussite, mais de se questionner sur le caractère «renouvelable» des déchets et de comparer la situation avec d’autres réseaux de chaleur de grandes villes suisses.

Vu qu’environ 50% de la masse de nos déchets est composée de matière organique, l’ancienne Loi fédérale sur l’énergie considérait que pour la production d’électricité par cogénération (*) avec des déchets, la vente de l’électricité produite pouvait profiter à 50% des subsides de la Confédération. L’électricité produite était donc considérée comme «50% renouvelable», mais rien n’était dit en ce qui concerne la chaleur. C’est ce que j’ai relevé lors d’une séance du Conseil communal d’Epalinges tenue en février de cette année. Dire, comme le fait la Ville de Lausanne, que la chaleur de Tridel peut être considérée comme renouvelable alors qu’une part élevée des déchets provient de matériaux à base de pétrole n’est pas correct. La raison est peut-être parce qu’avec le tiers de la chaleur provenant de la combustion de gaz fossile, le réseau de chaleur lausannois est en fait écologiquement peu performant comparé à ceux d’autres grandes villes suisses comme Bâle, Berne ou Zurich. Ces dernières ont en commun d’avoir su mettre en place une stratégie ambitieuse pour développer massivement l’usage du bois dans des centrales spécifiquement adaptées. Comme elle le fait déjà très bien dans le domaine de la construction, la Ville de Lausanne pourrait valoriser cette ressource renouvelable précieuse et abondante à un tout autre niveau qu’aujourd’hui. Cela lui permettrait de réduire massivement ses émissions de gaz à effet de serre tout en favorisant l’économie régionale et la régénération de nos forêts.

Richard Golay, conseiller communal, ingénieur EPFL et responsable de l’antenne romande d’Energie-bois Suisse, Epalinges

(*) production couplée de chaleur et d’électricité