Lausanne autrefois: «De l’art de resquiller à Saint-François»

Chaque semaine, Lausanne Cités en collaboration avec l’équipe du livre «Une journée à Lausanne» et les éditions Favre vous proposent deux photographies d’un même lieu à Lausanne, hier et aujourd’hui, accompagnées d’une anecdote y relative. Aujourd’hui, la place Saint-François.

  • GEOFFREY COTTENCEAU

    GEOFFREY COTTENCEAU

L’adolescence frondeuse. L’attrait de l’interdit. Une soif de transgression. Les transports publics lausannois, TL pour les intimes, terrain de prédilection pour apprentie rebelle. Monter sans billet. Guetter chaque arrêt. Prête à détaler. Qui-vive. Qui m’aime me suive. Coup de chaud à la vue d’un uniforme. Montée d’adrénaline. Sensation d’exister. Deux contrôleurs. Gagner du temps. Vider son sac. Ébullition intérieure, calme apparent. Regard assuré, mine désolée.

Cerveau en effervescence, soudaine illumination:

- Mais enfin, on est montés dans le bus ensemble! Vous pensez bien que je serais restée à l’arrêt si je n’avais pas de billet. J’ai dû le laisser dans l’appareil.

Voir un doute s’insinuer sous le képi. Surjouer l’honnêteté bafouée. Obtenir un sursis:

- Ça ira pour cette fois, mais tâchez d’être moins distraite.

Remerciements, sourire effronté. Laisser les contrôleurs redescendre, le bus repartir. Relire l’autocollant qui proclame que «Resquiller n’est pas un sport». Se dire peut-être pas, mais un art en tout cas.

Sabine Dormond, traductrice, écrivaine, 1980.