Une tasse de café à la rue du Valentin

Chaque semaine, Lausanne Cités en collaboration avec l’équipe du livre «Une journée à Lausanne» et les éditions Favre vous proposent deux photographies d’un même lieu à Lausanne, hier et aujourd’hui, accompagnées d’une anecdote y relative. Aujourd’hui, la rue du Valentin.

  • GEOFFREY COTTENCEAU

    GEOFFREY COTTENCEAU

En février 1953, en plein hiver, je suis allé à Milan où des camarades anarchistes ont organisé mon passage clandestin en Suisse, par le Tessin. Je suis resté environ deux semaines chez ces amis milanais, le temps d’organiser mon voyage. Le jour même, j’ai été guidé par un camarade, probablement petit contrebandier de cigarettes. Je ne sais plus la route exacte, dans la région du lac de Côme, mais je me souviens très bien que nous avons marché dans la neige jusqu’aux genoux, jusqu’à ce qu’il me montre un village au loin et me dise: «Voilà, là-bas, c’est le Tessin.» Alors j’ai continué seul, tranquillement. J’étais fatigué mais le son des cloches m’a donné de la force et m’a guidé. Arrivé au village, je suis allé directement au bistrot. J’avais de l’argent suisse dans la poche, pour ne pas éveiller les soupçons; j’ai commandé un café grappa pour me réchauffer et j’ai attendu le car postal pour Lugano. Ensuite, j’ai fait le tour par Olten, Berne et Fribourg, sans problème: j’avais de quoi payer mon billet et les trains fonctionnaient. A la gare de Lausanne, avec mon petit français scolaire, j’ai demandé mon chemin. J’avais comme premier contact l’adresse d’Hélène Monastier à l’avenue du Valentin. Je me suis pointé chez elle et elle m’a reçu avec une tasse de café.

Claudio Cantini, infirmier à la retraite et historien amateur, 2019.