Anti-immigration, les féministes de Némésis ciblent Lausanne

FEMINISME • Né en 2019 en France, le collectif Némésis entend s’imposer dans la région lausannoise. En dénonçant l’impact de l’immigration sur la condition des femmes. Une position qui détonne au sein des mouvement féministes.

Elles sont jeunes, ne divulguent pas facilement leur nom de famille et affichent une certaine méfiance vis-à-vis des médias. Sarah et Alice sont militantes au sein du collectif Némésis. Un mouvement lancé en France en octobre 2019 et qui regroupe des «féministes identitaires». Leur principal objectif est écrit noir sur blanc dans leur manifeste: dénoncer les violences faites aux femmes et l’impact dangereux de l’immigration de masse sur ces dernières. Pour Alice Cordier, la fondatrice parisienne de Némésis, les Lausannoises sont aussi concernées: «Même si la situation est moins préoccupante à Lausanne que sur sol français, le harcèlement de rue lié à l’immigration commence à arriver.»

Après avoir vu l’émergence de Némésis en France, Sarah Prina a eu l’idée de lancer l’antenne helvétique du collectif: «Cette année, je rentrais tard du travail le soir et il n’y a pas une fois où je ne me suis pas fait vulgairement accoster en attendant mon train, et ce toujours par des immigrés. C’est ce qui a fait que j’ai eu un déclic et que j’ai pris les rênes de Némésis en Suisse.»

Rejoindre les défilés

Régulièrement rangé du côté de l’extrême droite, le collectif entend bien se faire une place à Lausanne. Pour y parvenir, Sarah a déjà sa petite idée: «Notre stratégie est simple, nous allons rejoindre des défilés féministes ces prochaines semaines. Même si ces derniers nous déçoivent car ils sont parasités par une idéologie d’extrême-gauche insupportable. Des tracts seront également distribués à la population afin de nous faire connaître.» Elle ajoute: «Les néoféministes font une erreur en nous ignorant. Elles sont souvent hystériques, islamogauchistes et ne représentent finalement pas grand-monde dans la société. Beaucoup de femmes ne se retrouvent pas dans leurs slogans extrêmes et altermondialistes. Du reste, les néoféministes sont déjà en train de s’entredéchirer.»

Lobbying assumé

En plus des tracts et des défilés, les militantes du collectif s’adonnent également à l’affichage sauvage en constellant les murs et les panneaux de signalisation d’autocollants à l’effigie de leur mouvement. Un mouvement appelé à devenir un parti politique? «Nous sommes une association et nous ne deviendrons jamais un parti politique, assure Alice. Par contre, il n’est pas exclu que nous pratiquions du lobbying pour nous faire entendre à Lausanne et ailleurs. Car les quartiers du Flon et de la Riponne sont déjà fréquentés par des harceleurs et cette situation empire au fil des mois.»

3 questions à Eléonore Lépinard, professeure en études genre à l’UNIL

Le collectif Némésis revendique un féminisme identitaire, opposé à l’immigration. C’est une démarche inédite?

Oui et non. Il y a eu, historiquement des femmes luttant pour l’égalité des sexes qui ont aussi soutenu ou justifié le projet colonial au tournant du 20e siècle, en France et en Grande-Bretagne. Elles adhéraient donc à une idéologie raciste et colonialiste tout en se déclarant en faveur du droit de vote des femmes «chez elles». Il y a néanmoins une nouveauté, car jusqu’ici l’extrême droite ne s’est jamais montrée favorable aux droits des femmes, bien au contraire. Elle tente aujourd’hui une récupération de l’agenda féministe qui est inédite.

Ce type de mouvement est-il compatible avec le féminisme, traditionnellement situé à gauche?

Non absolument pas, et d’ailleurs ce collectif n’est pas reconnu par les autres organisations féministes. Il n’est pas possible, en 2021, de soutenir un agenda féministe qui ne soit pas aussi anti-raciste d’abord car le combat pour les droits des femmes doit aussi défendre les droits des femmes immigrées, et parce que le combat féministe est une demande démocratique d’égalité, elle n’est pas compatible avec la volonté politique d’ôter des droits à des groupes en raison de leur couleur de peau ou de leur statut légal.

Ces divers courants autour de la bannière féministe peuvent-ils servir la cause des femmes ou, au contraire, faire éclater la lutte pour l’égalité?

Némésis contribue à l’instrumentalisation des droits des femmes par des partis xénophobes, un phénomène qui existe dans plusieurs pays européens. Pour autant, les organisations féministes sont aujourd’hui vigilantes, comme en témoigne par exemple le manifeste de la grève féministe qui défend les droits des femmes immigrées.