Benjamin-Constant: les commerçants mécontents haussent le ton

MOBILITE • Suite à l’annonce de la pérennisation des aménagements tests, douze commerçants du quartier de Benjamin-Constant s’opposent à la décision de la Municipalité. Et songent à porter l’affaire en justice.

  • Photo Verissimo

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Michel Curchod n’en est pas à son coup d’essai. Le propriétaire de la boutique Le Coup de Chapeau à la place Benjamin-Constant est un opposant de la première heure des aménagements provisoires réalisés dans son quartier en septembre 2020. «A l’époque, nous avions déposé une pétition munie de 1500 signatures, mais elle est restée lettre morte. C’est tout de même dingue de faire preuve de tant de mépris dans une démocratie comme la nôtre.» L’homme aurait pu en rester là et continuer à pester contre le mobilier urbain, la suppression des places de parc et la présence des blocs de béton. Mais au début du mois de février, l’annonce par la Ville de la pérennisation de ces mesures «provisoires» a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

Début des travaux en 2023

Dans une lettre adressée au Service de la mobilité et signée par douze commerçants du quartier, Michel Curchod tire à boulets rouges: «L’enquête de satisfaction, avancée par la Municipalité, qui affirme que 75% des commerçants du quartier sont satisfaits de ces aménagements est une affabulation! Les signataires de cette lettre représentent à eux seuls l’écrasante majorité des commerces. Nous attendons un rectificatif de la part de la Ville, en nous réservant la possibilité de porter l’affaire en justice pour rétablir les faits.» Florence Germond, municipale en charge de la mobilité, ne s’en émeut pas: «L’enquête a été menée par un bureau indépendant qui a interviewé 48 commerçants. A la question relative à la pérennisation des aménagements, ils ont obtenu 34 avis positifs, 2 neutres et 12 négatifs. J’ai pleinement confiance en ces chiffres.» Avant de préciser: «Nous devons maintenant pérenniser la zone avec les améliorations issues de l’enquête, notamment ajouter une place de livraison et déplacer du stationnement moto. Dans un second temps, nous travaillerons à l’élaboration d’un projet permettant d’apaiser les vitesses, de végétaliser la zone mais aussi d’offrir des lieux plus conviviaux. Là où il y a aujourd’hui des potelets et blocs de béton, nous souhaitons créer des avancées de trottoir. Sous réserve des procédures légales, ces travaux pourront débuter en 2023.»

Une fermeté de la Ville qui ne rebute pas les commerçants mécontents. Manuel Joaquim Duarte, gérant de la sandwicherie Jacky’s et signataire de la lettre adressée à la Ville, ne cache pas son amertume: «Cela fait dix-huit ans que je suis indépendant et c’est la première fois que je suis aux poursuites. Depuis que le quartier a été transformé, j’ai perdu une bonne partie de ma clientèle, les gens n’osent pas venir par peur de se prendre une amende. Une bûche de 60 francs pour un sandwich, cela ne passe pas.» Même son de cloche de la part de Carmen Esmoris, fondatrice de la friperie Maxence: «Je me suis donné beaucoup de peine durant la pandémie pour rester à flot, et finalement on perd quand même des clients. Ces derniers déplorent l’absence de places de parc, mais aussi la saleté provoquée par ce mobilier urbain, notre quartier est en train de mourir!»

Nouvelle religion

Un constat partagé par l’architecte d’intérieur Pirkko Bechinie dont la boutique se situe au cœur de la place Benjamin-Constant: «Les gens ne viennent plus nous voir, ils ont bien compris que le vélo est la nouvelle religion à Lausanne. Quant à la Ville, elle ne nous écoute tout simplement pas.»

A quelques encablures, Christophe Roduit, à la tête du Café Saint-Pierre, salue les mesures prises par le Service de la mobilité: «C’est extrêmement positif, l’ambiance est là et on voit moins de voitures passer. Le nirvana? Que l’ensemble du quartier devienne piéton.»