Binta Ndiaye, la Lausannoise qui fait chavirer la planète judo

JUDO • Sociétaire du club Judo Kwai Lausanne, Binta Ndiaye est devenue cet été championne d’Europe M18 (-52kg). Dans la foulée, elle a terminé troisième des Mondiaux chez les M21. Dans son viseur, il y a les Jeux Olympiques de Paris en 2024. Rencontre.

A tout juste 17 ans, Binta Ndiaye est bien dans son sport et dans sa tête. La rencontrer, c’est la garantie de passer un bon moment. Mais dans le fond qu’est-ce que le judo? Elle n’hésite pas une seconde: «Un mode de vie». Cela se ressent très vite, avoir la chance de faire ce qu’elle aime la transcende. Et malgré son jeune âge, se vouer totalement à sa passion lui semble normal. «Le judo me correspond trop pour que je le trompe. Ce sport est fait pour moi. Le judo prend beaucoup de place dans ma vie, mais dans le bon sens. Comme je suis une perfectionniste, je me remets en question tout le temps. Il faut rester soi-même, ne pas se donner un genre.»

Bien entourée

Une attitude entière que confirme David Sueur, président du Judo Kwai Lausanne, club de la jeune championne, qui étudie la biochimie au gymnase Auguste-Piccard à Lausanne. «Binta est une énorme travailleuse, elle ne lâche jamais rien et sa maturité est grande pour son âge. Si elle est une compétitrice dans l’âme? Elle déteste perdre, mais elle n’a pas l’égoïsme de la championne. Malgré un emploi du temps chargé et son statut, Binta entoure les plus jeunes en allant dans les stages. Elle est non seulement exemplaire, elle est un exemple.» Le prénom de Binta signifie «la fille du prophète». Comme lui, elle prédit un avenir, lequel s’annonce radieux. Pour y parvenir, elle s’entraîne quasiment tous les jours à Lausanne, mais aussi à Yverdon où se situe le Centre national romand de judo. «C’est la norme à respecter si on veut être dans le sport de haut niveau», précise la championne. Elle sourit, elle s’est habituée à ce régime.

Une tête bien faite

Actuellement ceinture marron, juste avant la noire, Binta Ndiaye vit le présent à fond, garde les pieds sur le tatami, son outil de travail et son ami depuis une dizaine d’années. S’améliorer est une obsession que la gymnasienne, toujours positive quel que soit le contexte, conduit sans se prendre la tête. Une tête qu’elle a bien faite et sur les épaules, solides. «On peut toujours aller plus loin en étant confronté à d’autres styles, qui évoluent. Un combat dure quatre minutes, il se joue sur des détails, sur le fait d’être une demi-seconde trop lente par exemple. La moindre petite erreur est fatale.» Elle a gagné beaucoup de combats, Binta Ndiaye, ce qui ne l’empêche nullement de prendre au sérieux le prochain, comme s’il était le premier. «Rien n’est jamais acquis». Ses atouts sont néanmoins nombreux. Elle cite la position du corps et les déplacements, des bases qui lui ont été enseignées par son maître japonais Hiroshi Katanishi. Deux mouvements sont particulièrement lumineux: le ne-waza (ensemble du travail au sol) et le kumikata, la saisie, la prise du judogi. «Avant un combat lors d’un événement majeur, précise-t-elle, il y a une prise d’informations sur les adversaires en regardant des vidéos. Une droitière ou une gauchère, ce n’est pas la même chose, tactiquement parlant. »

Soutiens bienvenus

Pour parvenir au plus haut niveau, surtout y rester, rien n’est laissé au hasard. Binta Ndiaye est soutenue financièrement par l’Aide Sportive Suisse et par le McDonald’s de Cheseaux, à raison de 2000 francs par année. «Il y a ma photo là-bas, c’est sympa, dit-elle en souriant. Le judo n’est pas un sport cher, il exige peu de matériel et pas de gros équipements. Ce sont surtout les déplacements qui sont coûteux. Mais grâce à mes bons résultats cette saison, ceux organisés par la Fédération sont défrayés.» Dans son viseur, il y a les Jeux Olympiques de Paris en 2024. «Au ranking, il faut être dans les 18 premières mondiales (dans chaque catégorie) pour être qualifiée. Aujourd’hui, je suis 63e, mais il me reste encore du temps pour grignoter des places.» Elle se projette surtout vers ceux de 2028 à Los Angeles. Elle aura 23 ans. «Et 19, si je vais à Paris.» Elle a de quoi rêver Binta Ndiaye, d’autant que le travail de demain, c’est l’effort personnel d’aujourd’hui.