A cause du Musée des Beaux-Arts, ils ont un «mur de la honte» sous le nez!

RUCHONNET • Alors qu’a Lausanne, et au-delà, on encense le nouveau Musée cantonal des Beaux-Arts après son opération «portes ouvertes» de début avril, des voix s’élèvent aujourd’hui pour dénoncer ce qu’elles appellent un «mur de la honte», notamment du côté de l’avenue Ruchonnet.

«Je l’appelle le mur de la honte. On dirait une prison», s’indigne Louisa*, habitante de l’avenue Louis-Ruchonnet. Sa frustration est palpable. «Durant les portes ouvertes, au début du mois dernier, témoigne-t-elle, nous avons dû fermer les rideaux tout le week-end, car les visiteurs regardaient les appartements depuis les vitres du musée. C’était cauchemardesque de se sentir observés comme ça». Louisa se dit pourtant totalement favorable à l’offre culturelle lausannoise. «Mais là, tonne-t-elle, c’est le cauchemar depuis le premier jour des travaux, il y a trois ans». Un enfer quotidien qui n’est pas près de s’arrêter puisque les travaux se poursuivent avec la construction du futur Musée de l’Elysée et du mudac.

Ce témoignage n’est pas unique. Constance, qui travaille le long de l’avenue, utilise exactement la même expression. «Ce n’est pas normal de construire un immense mur comme ça!» Bruno* habite lui l’étage le plus bas de l’immeuble n°19 de l’avenue Louis-Ruchonnet. Il n’est là que depuis une année et n’a pas véritablement connu «l’avant». «Mais je sais que mes colocataires ne sont pas spécialement ravis et j’avoue que ce bloc de béton, juste en face, n’est pas très agréable à regarder et à vivre!»

Une vue défigurée

Particularité de l’avenue Ruchonnet, plusieurs immeubles bénéficiaient d’une vue à couper le souffle, et ceci du rez-de-chaussée jusqu’au cinquième étage. Un luxe qui n’appartient plus qu’à quelques-uns. Julien le reconnaît: «Nous sommes privilégiés, car nous avons encore la vue depuis le 5ème. Pour ceux qui habitent en dessous, ce n’est plus pareil. Je ne suis pas du tout contre le faire de développer l’offre culturelle et commerciale dans le secteur, au contraire. Mais le problème, c’est l’architecture catastrophique du bâtiment. C’est vraiment dommage.»

Et ce n’est pas parce qu’on aime l’art qu’on apprécie forcément qu’un musée si imposant s’élève devant sa fenêtre. «Je suis artiste, donc je suis très intéressée par ce nouveau musée. J’aurai juste préféré qu’il soit moins haut», lance vite au passage une locataire qui habite au deuxième étage. Nuno aussi est bien content d’avoir un lieu culturel juste à côté. «Au 4ème étage, j’ai encore la vue sur un petit bout de lac et les montagnes. Mais depuis en bas, cela doit donner l’impression d’être enfermé». Et d’ajouter: «J’habite ici depuis 20 ans. Il n’y a eu aucune consultation. On a un peu l’impression que ce musée devait être construit et que nous n’avions rien à dire.»

Le collectif gare s’était pourtant opposé au projet lors de sa mise à l’enquête en 2012. Son opposition regroupait 256 signatures d’habitants des environs de la gare. Quant aux 18 oppositions déposées, elles avaient été levées par la Municipalité.

Du bruit non-stop

«Ne plus avoir de vue est embêtant. Mais le plus gros dérangement, c’est le bruit constant que nous subissons depuis 3 ans, enchaîne Louisa. C’est sept jours sur sept. Il y a une accumulation des bruits avec les CFF qui est insupportable. Parfois, nous n’avons même pas de répit à midi. Avec ma grossesse et le congé maternité, j’étais beaucoup à la maison. Les murs tremblaient et je ne vous parle pas de la quantité de poussière! Cela plombe le moral.» Conséquences: de nombreux locataires ont déménagé depuis le commencement des travaux. «En 2018, il y avait presque un déménagement par mois, indique Louisa. On ne connaît plus grand-monde dans l’immeuble. Si je le pouvais, moi aussi je partirai.» Joëlle Misson

*prénoms d’emprunt