Enquêtes de satisfaction: des méthodes qui interrogent

URBANISME • Enquêtes de satisfaction, diagnostics d’usages, questionnaires en ligne, la Municipalité multiplie les outils destinés à sonder la population. Des outils jugés «bidons» par certains opposants aux récents aménagements urbains. Pour en avoir le cœur net, nous avons mené notre propre enquête.

  • A Benjamin-Constant, l’enquête de satisfaction avait provoqué une levée de boucliers. VERISSIMO

    A Benjamin-Constant, l’enquête de satisfaction avait provoqué une levée de boucliers. VERISSIMO

Tout débute par un rituel. Lors de chaque publication par la Ville des résultats d’une enquête de satisfaction, notre rédaction croule sous les appels et autres e-mails d’habitants mettant en doute (c’est un euphémisme) la fiabilité des résultats: «Cette méthode ne vaut rien, mais elle coûte cher», «Personne ne m’a jamais rien demandé», «Ces sondages sont malhonnêtes, ils servent uniquement à valider les choix de la Municipalité», «On se moque de nous», ou encore «On pourrit la vie des commerçants sans demander leur avis». Ce florilège concerne les cinq enquêtes de satisfaction réalisées depuis le début de la pandémie: dans les quartiers de Benjamin-Constant, Midi-Beau-Séjour, la Cité, sur les quais d’Ouchy et à la rue Centrale.

Coût de 95’000 francs

Des enquêtes commandées par les services de Florence Germond. La municipale en charge de la mobilité rappelle leur utilité en temps de pandémie: «Dans le contexte de la crise sanitaire, nous n’avons pas pu faire autrement pour prendre le pouls de la population que de passer par des enquêtes plutôt que par les habituelles démarches participatives sur le terrain et lors de réunions. L’ensemble des enquêtes de satisfaction réalisées représente un coût total de près de 95'000 francs.» Une somme qui correspond globalement aux tarifs appliqués par les divers instituts de sondage. Ce qui semble plus étonnant, c’est le choix d’un seul et unique prestataire pour la totalité des cinq enquêtes. Il s’agit du bureau CBRE. Contacté, son directeur ignore que des enquêtes de satisfaction sont menées par ses services. Il nous renvoie finalement vers l’un de ses chefs de service qui nous transmet les coordonnées de Marie-Paule Thomas. Sociologue et urbaniste, elle est la personne en charge de ce dossier au sein de CBRE.

«Aucune valeur scientifique»

Rendez-vous est donc pris afin de comprendre la méthodologie utilisée. Marie-Paule Thomas tient d’emblée à préciser que la démarche se veut scientifique: «Chaque enquête a été menée avec une méthode objective, en comptant par exemple les gens qui utilisent le mobilier urbain, et une méthode subjective en ligne ou en face à face, en interrogeant la population et les commerçants d’un quartier.» Là où le bât blesse, c’est qu’aucun échantillonnage n’a été prévu, ce qui est pourtant essentiel comme le rappelle Françoise Piron, conseillère communale PLR et ingénieure EPFL: «Sans déterminer un échantillon préalable, ces sondages n’ont aucune valeur scientifique. Et après la Ville ose dire que la population est enthousiaste alors que ces enquêtes sont faites au doigt mouillé, c’est navrant.»

Un constat sévère tempéré par Valentina Andreoli du Service communal des routes et de la mobilité: «Les critiques de certains mécontents ne nous surprennent pas, un projet ne peut pas recueillir 100% de satisfaction et les personnes mécontentes se font souvent plus entendre.» Tout en concédant que les sondages en ligne devraient certainement appartenir au passé: «Sauf rebond de la pandémie, nous reviendrons désormais aux démarches participatives en amont pour élaborer les projets avec la population.» Histoire de passer du doigt mouillé au doigt levé?