Envolée des coûts: la crise de trop pour les commerçants lausannois

INFLATION • Face à la hausse des prix des matières premières, de l’énergie et du carburant, les commerçants lausannois sont dans l’incertitude. Certains ont déjà dû répercuter ces augmentations sur leur prix de vente, non sans grincer des dents.

  • Le responsable de l’épicerie Chez Ernest a dû adapter certains prix depuis le début de l’année. MISSON-TILLE

    Le responsable de l’épicerie Chez Ernest a dû adapter certains prix depuis le début de l’année. MISSON-TILLE

«Nous avons survécu à la pandémie, mais ce que nous vivons aujourd’hui est bien pire.» Laurent Buet, co-fondateur et chef de la Maison Buet à Lausanne, n’y va pas par quatre chemins. Pour lui, si la Confédération n’intervient pas, c’est à une hécatombe d’entreprises que nous assisterons. Et pour survivre, les commerçants seront forcés, à un moment ou un autre, d’augmenter leurs prix de vente.

Des augmentations «monstrueuses»

Une première hausse du prix des matières premières est déjà intervenue en 2021, couplée à une pénurie de papier et carton nécessaires aux emballages. Cela avait forcé la Maison Buet à procéder à une augmentation du prix de 10% de ses produits. «Je ne dirai pas que cela est passé comme une lettre à la poste auprès des clients, mais presque, se souvient Laurent Buet. La plupart se sont montrés très compréhensifs.»

Entre octobre et novembre de cette année, l’entrepreneur devra à nouveau faire grimper ses prix pour couvrir une nouvelle fois le coût des matières premières telles que la farine, mais aussi celui du carburant qui pèse lourd sur la facture des fournisseurs. «Au mois de mars, je payais le petit pot de safran 44 francs. Lors de ma dernière commande, pour le même petit pot, j’en ai eu pour 62 francs. C’est monstrueux», illustre-t-il. Cette augmentation est donc une question de survie pour les commerçants.

Ces derniers ne se voilent cependant pas la face, car cela ne suffira pas à combler le trou que pourrait leur laisser le coût de l’électricité. «Avec les fours, les frigos et les congélateurs, dont nous ne pouvons absolument pas nous passer, je consomme 210'000 kilowatts par année», poursuit Laurent Buet. Pour le moment, il bénéficie d’un contrat avec les Services industriels de Lausanne qui lui garantit encore un prix fixe pour un an et demi. «Mais à la fin de mon contrat, si les prix sont ce qu’ils sont aujourd’hui, ma facture d’électricité passera de 6000 francs par mois à 31'000 francs. Avec des montants pareils, ce sera la fin de la Maison Buet.»

Le taillé de la discorde

A la boucherie La Bouche qui Rit, située rue Madeleine, les produits carnés ne sont pas encore concernés par l’inflation, contrairement aux produits laitiers et dérivés de farine, pour lesquels les prix des fournisseurs ont pris l’ascenseur. Pour cette raison, la boucherie a été forcée de revoir le prix de son taillé aux greubons, provoquant des mécontentements au passage. «Nous avons reçu la lettre d’un client nous accusant de profiter de la guerre en Ukraine pour augmenter le prix de notre taillé et faire du bénéfice, raconte Romain Losey, directeur marketing de la boucherie. C’est un peu tiré par les cheveux quand on sait que nous avons des charges mensuelles de plusieurs centaines de milliers de francs et que le taillé, qui a augmenté de 20 centimes, représente 20 unités vendues par semaine.»

«Nous avons entendu quelques réflexions sur l’augmentation des prix, mais rien de bien méchant, rapporte quant à lui Yohann Callet, responsable au sein de l’épicerie Chez Ernest, à la rue du Cheneau-de-Bourg. En discutant avec les clients, la plupart comprennent bien, même si c’est une gêne pour certains.» Ici, une augmentation progressive des prix de vente a été effectuée depuis le début de l’année sur certains produits d’épicerie. La hausse, entre 2% et 5%, a été effectuée uniquement sur les produits qui en ont subi l’impact. Cela représente environ 25 produits sur 400 références. Avec la perte du pouvoir d’achat du consommateur, il est difficile et risqué pour les commerces de toucher trop fortement aux prix de vente.

Ces augmentations, tout comme celles de l’énergie, finissent en grande partie absorbées par les marges de l’entreprise, qui s’amenuisent comme peau de chagrin. «Au bout d’un moment, nous ne pourrons plus tout combler; nous devons gagner nos vies, et en ce qui nous concerne, nous avons 35 familles qui comptent sur nous», conclut Laurent Buet, qui en est convaincu: la réponse doit être politique.