Fumeurs en terrasse: bientôt la fin?

SANTE PUBLIQUE • En été, les terrasses sont envahies par la fumée du tabac au point d’incommoder de nombreux clients. Faut-il, comme le prévoit le Tessin, légiférer pour y interdire la cigarette?

  •  dr

    dr

Déshabiller Pierre pour habiller Paul... Depuis 2010, et l’entrée en vigueur de la loi fédérale sur la protection contre le tabagisme passif les Suisses n’ont plus le droit de fumer dans les lieux publics et au travail. Un vrai soulagement pour toutes celles et tous ceux qui subissaient à leur corps défendant les nuisances d’un tabagisme voulu et pratiqué par d’autres.

Avec l’espoir de mettre fin à une véritable guerre du feu qui faisait rage depuis bien longtemps. Seulement voilà. L’interdiction de fumer dans les lieux publics s’est soldée par un effet collatéral qui risque bien de relancer le débat. Un effet qui se manifeste massivement dès les beaux-jours venus, puisque les terrasses de restaurants et de cafés sont désormais littéralement colonisées par les fumeurs. Déshabiller Pierre pour habiller Paul...

«Il devient de plus en plus difficile de s’attabler sans subir les nuisances des fumeurs, déplore Mario, un quadragénaire lausannois, qui se défend pourtant d’être un intégriste anti-fumée. Nous sommes certes en plein air, mais il suffi t qu’il y ait une tenture ou un parasol et on devient vraiment tabagiste passif. Sans compter le fait qu’il est très gênant de se prendre sans arrêt de la fumée dans la figure. »

Pas d’études

Pour l’heure, aucune étude scientifique n’est venue confirmer ou infirmer ce phénomène. Mais «il est clair que le phénomène de la fumée passive s’est déplacé vers l’extérieur», constate Verena El Fehri, directrice de l’Association suisse pour la prévention du tabagisme, qui précise: «Le phénomène est certes gênant pour les consommateurs, mais il peut même devenir un problème lorsque les personnes sont vulnérables, comme les femmes enceintes, les asthmatiques etc...»

Même son de cloche du côté de Karin Zurcher, responsable du Cipret-Vaud, le centre vaudois de prévention du tabagisme. «Les données sur la nocivité sont pour l’heure insuffisantes car le phénomène est encore récent, explique-t-elle. Mais il est sûr que la question se pose déjà en termes de vivre-ensemble, de gêne et même de littering. Et puis, en tant qu’acteurs de la santé publique, on doit travailler sur la dénormalisation de la consommation de tabac. La consommation de celui-ci dans les parcs et les terrasses n’est en tout cas pas en faveur d’une débanalisation du produit, surtout auprès des plus jeunes».

Reste que le phénomène semble prendre de plus en plus d’ampleur au point qu’au Tessin, canton pionnier dans la lutte contre le tabagisme, on envisage d’étendre l’interdiction de fumer aux terrasses et aux places de jeux , une députée PDC ayant déposé trois motions et une initiative parlementaire au Grand Conseil tessinois .

Laisser la liberté

A Lausanne, la démarche ne semble en tout cas pas séduire les restaurateurs lausannois. «Nous ne sommes pas favorables à une extension de l’interdiction de fumée dans les terrasses, réagit Susan Sax, la présidente de GastroLausanne l’association faîtière des restaurateurs lausannois. Nous préférons laisser libre choix à chaque patron de définir sa terrasse comme un espace fumeur ou non fumeur, de manière totale ou partielle d’ailleurs». «En termes de santé publique, l’urgence serait peut-être plutôt d’agir d’abord pour une interdiction de la publicité pour le tabac, dont les études ont montré qu’elle ferait baisser de 7% la consommation, conclut Karin Zurcher. Car je le rappelle, en ce domaine, la Suisse est la lanterne rouge de l’Europe».

Charaf Abdessemed