Gaspillage alimentaire: le CHUV pris pour cible

GESTION • Des témoignages anonymes postés sur les réseaux sociaux font état de gaspillage alimentaire «colossal» au CHUV. Sa direction dément, explications et chiffres à la clé.

  •  Le CHUV possède la deuxième plus grande cuisinière hospitalière de Suisse romande. Près de 7000 repas y sont préparés chaque jour. dr

    Le CHUV possède la deuxième plus grande cuisinière hospitalière de Suisse romande. Près de 7000 repas y sont préparés chaque jour. dr

Les témoignages ont été publiés via l’application Jodel, très populaire dans les milieux universitaires et, plus généralement, chez les jeunes. Gentiment potache et anonyme - un avantage semble-t-il pour beaucoup -, elle se contente souvent d’étaler les états d’âmes de celles et ceux qui l’utilisent. Mais dénonce parfois aussi ce que ses auteurs appellent des dérapages. Et cette fois, c’est le CHUV qui en fait les frais!

Des témoignages unanimes

«Quand t’as travaillé comme cuisinier au CHUV, c’est là que tu vois la définition du mot gaspillage #UneTonneDeBouffeJetéeParSe-maine», avance le récent post d’un de ses utilisateurs qui ajoute: «C’est d’autant plus difficile à accepter que des règles strictes interdisent aux employés de prendre une partie de ces restes chez eux sous peine de licenciement.» En précisant qu’un jour, il aurait ainsi dû jeter plus d’une vingtaine de poulets rôtis!

Des propos qui ont suscité de nombreuses réactions outrées et provoqué d’autres témoignages. Un premier raconte ainsi qu’entre 3 et 5 sacs de 120 litres uniquement remplis de nourriture étaient jetés par jour lorsqu’il travaillait là-bas. Un second laisse entendre que, pendant son stage, il a pu observer que les plateaux de réserves ainsi que ceux des patients à jeun, passent directement à la poubelle. Un troisième ajoute que ce ne serait pas un secret et que des employés ont déjà essayé d’intervenir, mais que la direction est restée indifférente à cette situation.

Un processus surveillé

Pour Pierre-Yves Muller, «il est tout à fait légitime de s’interroger sur les pertes alimentaires et il est toujours choquant de penser que de la nourriture saine est éliminée du circuit de consommation pour finir en déchet». Mais le directeur de la logistique hospitalière du CHUV tient d’emblée aussi à «remettre l’église au milieu du village» en rappelant tout d’abord que le CHUV produit 2,2 millions de repas par année, les deux tiers de cette production étant destinés aux patients, le dernier tiers aux collaborateurs. Et que dans un tel volume de production, les déchets alimentaires représentent certes des quantités très importantes, mais qui restent dans les normes ramenées au volume produit. «Ces quantités sont sous surveillance continue et nous nous efforçons, constamment de les faire baisser», précise-t-il.

Des efforts constants

S’agissant des différents points soulevés le haut responsable se montre tout aussi catégorique et précis: «Aucun produit frais ne part à la poubelle. 67% des marchandises jetées sont issues du retour des assiettes «patients», détaille-t-il. «Comme les repas aux patients sont de fait une prescription médicale, il n’est pas possible d’influencer grandement cette part. Le solde est le fait de perte de mise en œuvre, comme les parures ou les épluchures, pour lesquelles nous n’avons pas de levier d’action significatifs.»

Quant à l’interdiction faite aux employés de prendre une partie de ces restes chez eux, Pierre-Yves Muller explique que l’établissement n’a ni les équipements, ni le personnel pour conditionner les repas afin qu’ils soient transportables et consommables a posteriori, tout en garantissant une hygiène irréprochable à l’extérieur de l’enceinte du CHUV. En outre la configuration actuelle des cuisines du CHUV fait qu’il n’est pas possible de garantir une séparation des flux de produits potentiellement encore «consommables» et les retours de produits fournis au patient qui peuvent être potentiellement contaminés. «Toutefois, en fin de journée, nous procédons à une vente à prix réduits des produits emballés et conditionnés (sandwiches, etc.) de la journée dans les cafétérias destinées à nos collaborateurs», ajoute-t-il. Avant de conclure: «Bien conscients que nous n’aurons jamais fini de nous améliorer, nous nous efforçons chaque jour de faire mieux et remettons en question nos pratiques aussi souvent qu’il nous est permis de le faire.»