Harcèlement de rue: «Nous voulons soutenir les victimes»

SÉCURITÉ • La Ville de Lausanne poursuit son engagement contre le harcèlement de rue. Elle lance une nouvelle prestation de signalement en ligne destinée aux victimes et aux témoins. Et promet que les données récoltées seront traitées avec soin et confidentiellement. Les précisions du Municipal en charge de la police, Pierre-Antoine Hildbrand.

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Lausanne Cités: La Ville lance une nouvelle prestation de signalement en ligne destinée aux victimes et témoins de harcèlement de rue. Pratiquement, comment ce nouvel outil va-t-il fonctionner?
Pierre-Antoine Hildbrand: Nous voulons soutenir les victimes en recueillant des informations et en fournissant des réponses concrètes et des renseignements sur les démarches possibles. Différents services de la Ville sont impliqués ainsi que des partenaires privés.Par exemple, l’Observatoire de la sécurité effectuera des analyses statistiques et géographiques, la Police traitera les cas relevant du Code pénal. J’insiste toutefois, en cas d’urgence il faut d’abord appeler le 117.

Existe-t-il une base juridique pour mettre en place un tel système?
On a constaté que la majorité des victimes renonçaient à déposer plainte ou à signaler les cas à la Police comme elles en auraient le droit. Cette nouvelle prestation publique signifie une plus grande attention au phénomène massif du harcèlement de rue et fait partie de la mise en œuvre du programme de législature. Les données récoltées sont traitées avec soin et confidentiellement.

Ce dispositif a-t-il été testé ailleurs dans le monde ou s’agit-il d’une première?
Il existe des applications privées ou policières. La nouveauté réside principalement dans le suivi concret par différents services de la Ville et le renforcement des compétences des victimes, qui seront recontactées et conseillées si elles le souhaitent.

Qui dit signalement de ce type suppose des appréciations diverses, voire des risques de dérapages: délation, dénonciations abusives, etc. Comment allez-vous faire pour trier le bon grain de l’ivraie?
Un groupe interdisciplinaire composé de spécialistes évaluera tous les cas limites. Des expertises externes sont également prévues. L’application est destinée à lutter principalement contre le harcèlement de rue. Le risque de dénonciation calomnieuse est réduit dès lors que le nom du harceleur n’est en général pas connu.

Pourquoi un tel instrument n’est-il pas élargi à des dispositifs similaires pour dénoncer d’autres dérives, tout aussi importantes, comme l’homophobie ou le racisme?
L’outil est prévu pour le harcèlement dit de rue, mais qui comprend aussi celui présent dans différents espaces publics, comme les infrastructures sportives, les bars, ou encore les moyens de transports. Ses dimensions homophobes ou racistes peuvent également y être signalées.

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C’est un véritable fléau et peu de femmes, hélas y échappent. Selon une enquête menée en 2016 par les autorités de la ville de Lausanne, plus de 7 Lausannoises sur 10 âgées de 16 à 35 ans reconnaissent avoir déjà été victimes de harcèlement de rue. Un constat sans appel, qui met en danger l’un des fondements du vivre-ensemble: la neutralité et l’appropriation collective de l’espace public. Ce phénomène aussi patriarcal que tristement millénaire, est devenu aujourd’hui intolérable. Parce que les femmes ont de haute lutte conquis un statut de citoyennes à part entière qui leur a été si longtemps dénié, mais aussi parce que la vague «MeToo» est passée par là. Une vague qui a jeté une lumière crue sur une réalité occultée et socialement acceptée comme une fatalité.

Très tôt, la Ville de Lausanne a refusé cette fatalité. En menant de nombreuses actions de sensibilisation, et en mettant en place une stratégie globale de lutte contre le harcèlement de rue avec ses partenaires, qu’ils soient publics, parapublics ou privés.

Cette semaine, elle vient encore d’ajouter une pierre à l’édifice, en mettant en ligne sur internet une plate-forme qui permet d’ores et déjà aux témoins et victimes de signaler aux autorités les situations de harcèlement. (Lire en page 5). Pour utile qu’il soit, l’outil présente néanmoins l’énorme désavantage d’un anonymat qui ouvre la voie à des dénonciations abusives et en limite, de facto, la portée. En phase de test pour une durée de deux ans, il a le mérite de souligner l’engagement public en faveur d’une cause fondamentale et de montrer à la moitié de notre population qu’elle n’est pas seule face à des comportements inacceptables.