Lausanne, port d’attache de Coco Chanel

Il y a un demi-siècle, à l’âge de 87 ans, disparaissait Coco Chanel, légende de la mode. Elle fut enterrée au cimetière du Bois-de-Vaux, à Lausanne. Un livre retrace aujourd’hui ce que furent les années d’exil, sur les rives du lac Léman, de cette femme issue d’un milieu modeste qui a construit un empire qui perdure à ce jour.

C’était il y a tout juste 50 ans. Le 14 janvier 1971 pour être exact. Gabrielle Chanel était enterrée au cimetière du Bois-de-Vaux, à Lausanne. Section 9, concession 129-130-131. Pour tout décor, des cotonéasters rampants, ainsi qu’elle l’avait souhaité, un banc de pierre sur la gauche et cinq - son chiffre fétiche - têtes de lion, sculptées sur une stèle où son nom est écrit en lettres capitales avec deux années inscrites: 1883-1971. «Sobriété et élégance, à l’image de ses créations de haute couture», note la journaliste Marie Fert dans un ouvrage* qu’elle vient de consacrer à celle qui était plus connue sous le nom de Coco Chanel, icône incontestable de la mode, qui avait brisé les codes vestimentaires imposés aux femmes des années 20, et par là même révolutionné le monde de la haute couture.

De mauvaises fréquentations

Mais qui se souvient que cette femme, hors normes à bien des points de vue, avait passé les dernières années de sa vie en partie en terre vaudoise, et plus précisément lausannoise. «Elle se sentait en sécurité en Suisse», note Marie Fert. A la fin des années 30 déjà «dans une époque en plein tremblement, Lausanne apparaissait pour Gabrielle comme un havre de stabilité.»

Ce qui fut plus le cas encore en septembre 1944, lorsque la France fut libérée du joug nazi. Elle est alors arrêtée et interrogée par un comité d’épuration des Forces françaises de l’intérieur (FFI) avant d’être relâchée deux heures après. Ce qu’on lui reproche? Sa longue liaison avec un officier allemand, homme de confiance d’Hermann Goering dans la capitale française. Deux heures après son arrestation, Coco Chanel est toutefois relâchée. Sur intervention directe, dit-on, de Winston Churchill en personne qu’elle a connu en 1927 lors de sa liaison avec le duc de Westminster.

Une tombe au Bois-de-Vaux

Pour échapper aux pressions liées à cette arrestation, elle va quitter la France pour venir s’installer à Lausanne où elle restera pendant dix ans. Elle se fait soigner à la clinique Valmont, et l’on peut souvent la rencontrer au Beau-Rivage et au Palace. Elle aime aussi se balader sur les quais d’Ouchy ou dans les Bois du Jorat en s’arrêtant systématiquement au Chalet-des-Enfants pour y boire un verre de lait et savourer le flan maison. Sortir aussi pour manger que ce soit à la Grappe d’Or, à la Pomme de Pin ou à la Bossette. «Lausanne était alors le port d’attache de celle qui avait decorseté la société», résume Marie Fert.

En 1954, à plus de 70 ans et au terme de maintes péripéties artistico-financières, elle retourne à Paris où elle meurt d’une crise cardiaque dans une suite du Ritz le 10 janvier 1971. Celle qui a révolutionné la mode avec son tailleur, et symbolisé l’élégance à la française, avait cependant demandé à être enterrée à Lausanne. Dans cette tombe surmontée de cette stèle ornée de cinq têtes de lion qui se trouve non pas sur la tombe elle-même, mais devant elle. C’était son souhait, clairement exprimé: «Je ne veux pas de pierre sur ma tête», avait-elle dit. «Au cas où je voudrais ressortir.» Philippe Kottelat

*«Gabrielle Chanel, les années d’exil», Marie Fert

Editions Slatkine