L’hépatite E traquée par des chercheurs de l’EPFL

SANTÉ • En compilant plusieurs données environnementales et épidémiologigiques, des chercheurs de l’EPFL ont développé une carte du monde qui montre les zones à risque de la version épidémique de l’hépatite E. Leurs travaux ouvrent de nouvelles pistes de recherche et de prévention.

  • Sur cette carte, les chercheurs ont déterminé les régions où les foyers d’hépatite E existent.  En rouge, les zones principales. LCE/LASIG EPFL 2019

    Sur cette carte, les chercheurs ont déterminé les régions où les foyers d’hépatite E existent. En rouge, les zones principales. LCE/LASIG EPFL 2019

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Chaque année, quelque 20 millions de personnes contractent une hépatite E dans le monde. Plus de 3 millions font une infection aiguë et environ 50’000 décèdent des suites du virus. De grandes épidémies affectant des milliers de personnes se sont déclarées dans certaines régions, par exemple en Asie ou au Mexique, mais, par contre, pratiquement aucun cas n’a été observé en Suisse à ce jour, pas même chez des personnes revenant de ces destinations. Reste que si vous partez en vacances, et pas seulement dans des contrées lointaines, une certaine prudence s’impose.

Une carte du monde

Dans tous les cas, des chercheurs de l’EPFL viennent de dessiner la première carte du monde montrant les zones les plus à risque d’épidémies causées par le virus de l’hépatite E. Cet outil, qu’ils ont publié sur un site internet ouvert à tous, doit permettre notamment aux gouvernements et aux ONG lors de l’installation de camps de réfugiés, de baser leurs mesures de prévention sur des données scientifiques.

En Europe, en Chine, au Japon et en Amérique du Nord, l’hépatite E se transmet de l’animal à l’homme via l’ingestion de viande de porc pas assez cuite. Il en résulte généralement une maladie sans risque de mortalité. Au Mexique, en Inde, en Afrique et dans la plupart des pays asiatiques, l’hépatite E survient par contre lorsque la population entre en contact avec des virus issus de matières fécales diluées dans l’eau d’une rivière ou d’un puits. Les épidémies apparaissent à la suite d’épisodes de fortes pluies et d’inondations et à la suite de mois de grande chaleur et de sécheresse.

Machine learning

Pour créer leur carte, les chercheurs ont introduit les données géographiques et épidémiologiques de toutes les épidémies d’hépatite E enregistrées depuis 1980 dans le monde jusqu’à ce jour. A l’aide du machine learning, ils ont ajouté à ces données les variables environnementales incluant, par exemple, pour chaque région du monde les températures, l’humidité du sol et les précipitations de ces quarante dernières années. A ce set d’information, ils ont encore introduit des chiffres sur la densité de la population et «l’évapotranspiration», soit la quantité d’eau qui s’évapore des rivières à la suite d’épisodes de sécheresse. Ce phénomène était ici pertinent, car il peut concentrer la présence des pathogènes intestinaux dans l’eau qui sera ensuite utilisée pour la cuisine, l’hygiène ou encore, les rites religieux par l’homme.

«Notre étude permet d’affirmer que les zones à risques se situent dans les régions où la densité de la population est forte, là où il y a des pluies saisonnières, et où l’évapotranspiration est élevée», explique Anna Carratalà, collaboratrice scientifique au Laboratoire de chimie environnementale de l’EPFL et première auteure de l’étude co-rédigée avec Stéphane Joost, du Laboratoire des systèmes d’information géographique de l’EPFL. «Augmenter artificiellement le débit fluvial lors des périodes de l’année les plus chaudes et les plus sèches pourrait par exemple réduire ces risques.»

Données manquantes

Résultant d’un grand travail de synthèse de données déjà en ligne, la publication de l’EPFL n’est pourtant qu’une étape vers des mesures de préventions plus ciblées dans les régions identifiées comme les plus à risque, précisent les chercheurs. Leur carte montre par exemple l’urgence d’agir dans le nord de l’Inde.

Pour générer ces données, l’EPFL a collaboré avec le Service National d’épidémiologie indien. Dans un nouveau projet, les chercheurs vont comparer l’effet des activités humaines sur la présence de l’hépatite E et d’autres polluants – à l’instar des gènes de résistance aux antibiotiques – dans les eaux du Rhône, sur territoire suisse avec celles du Ganges, en Inde.

EPFL/Phk