Manon Zecca, sur tous les fronts

POLITIQUE • C’est une personnalité atypique qui a été élue en mars dernier au conseil communal sur la liste d’Ensemble à Gauche. Charpentée intellectuellement, jeune, sourde et féministe, cette Lausannoise de 29 ans porte haut ses convictions au service des faibles, des opprimés et des damnés de la terre.

  • Manon Zecca ou l’envie profonde de faire avancer les choses. OLMI

    Manon Zecca ou l’envie profonde de faire avancer les choses. OLMI

  • Photo Verissimo

    Photo Verissimo

Personnalité complexe et attachante, Manon Zecca à la lutte chevillée au corps. Pas la lutte finale qui mènera (pas encore) au Grand Soir du capitalisme qu’elle juge «irréformable» mais celle qui, au quotidien vise à faire avancer les choses. Elue pour la première fois à 29 ans conseillère communale sur la liste d’Ensemble à gauche, Manon Zecca a l’engagement de ceux qui détestent l’injustice. A l’école enfantine déjà, elle prenait la défense des plus fragiles, prélude à son action future pour les minorités et les opprimés. Grève des femmes, sans-papiers et migrants, communauté sourde, lutte contre le racisme, défense des minorités sexuelles, la jeune femme est décidément sur tous les fronts. Après une enfance passée à Lausanne, avec des parents tous deux comédiens - la maman est suisse, le papa italien - , Manon Zecca part étudier les sciences sociales à Fribourg, où elle décrochera un bachelor puis un master.

Engagement militant

De retour à Lausanne, cette sympathisante de longue date des mouvements de gauche par affinité personnelle et par tradition familiale, décide de donner un tour plus actif à ses convictions et contacte Solidarités, où elle est accueillie à bras ouverts. «Sur le tard, j’ai concrétisé mes révoltes d’adolescente en engagement militant, assorti des armes de la sociologie qui m’ont permis d’explorer les dynamiques sociales et les dimensions collectives» raconte-elle, toujours très analytique. Habitée par un profond sentiment d’urgence climatique, qui aurait pu logiquement la conduire chez les Verts, elle leur préfère l’extrême gauche, les Verts étant «perdus dans le jeu de la politique institutionnelle et leur alliance avec le PS».

Après des discussions au sein de Solidarités sur l’opportunité d’une présence au Conseil communal, la voilà qui se présente aux élections et se retrouve, à sa grande surprise, élue avec 12 autres collègues de la liste ensemble à Gauche. «J’espère que l’on ne va pas se perdre dans des futilités dans ce conseil où je suis un peu choquée que l’on pense trop souvent d’abord «à boire des coups»» sourit-elle, très consciente de ses responsabilités: «Et puis bien sûr, il va me falloir moi aussi me montrer à la hauteur de la tâche et amener des idées».

Et ça tombe bien, des idées, Manon Zeccha en a et beaucoup, en particulier en matière de défense des minorités: cause féministe «où malgré les avancées, il reste beaucoup à faire y compris sur le plan institutionnel», cause des minorités sexuelles, mais aussi engagement pour les handicapés. Devenue sourde à l’âge de 17 ans, parlant aussi la langue des signes et éducatrice au Centre pour jeunes sourds «Les chemain’S», la jeune élue entend bien porter leur voix au sein de l’assemblée communale, «les inégalités que les handicapés vivent étant insupportables».

Capitalisme irréformable

La cohérence de ses multiples engagements, il faut en effet la trouver dans sa viscérale détestation des inégalités dont elle a largement théorisé les ressorts, les enchevêtrements et implications, à la confluence des crises sociales et écologiques que l’on vit aujourd’hui. Avec à la clé, une conviction: à l’origine de celles-ci, un capitalisme jugé «irréformable» et dont seule la Révolution permettrait de venir à bout. Consciente que les «esprits ne sont de loin pas encore prêts», c’est donc pour l’instant au Conseil communal qu’elle entend concrétiser son engagement politique, avec évidemment le risque de se perdre dans les jeux institutionnels qu’elle craint tant.

«C’est vrai que j’ai tellement confiance dans les capacités collectives, que quand les choses ne fonctionnent pas ça me déstabilise, conclut-elle. Mais si je vois que la politique n’est pas le meilleur endroit pour mettre mon énergie, je m’arrêterai et j’irai voir ailleurs. Et d’ici là, je ferai du mieux que je peux».