Mobilité lausannoise: un pas en avant... un pas en arrière!

MOBILITÉ • Depuis plusieurs mois, les aménagements en phase de test ont fleuri à Lausanne. Pistes cyclables, terrasses ou zones 30 sont concernées. La nouvelle règle en temps de Covid: on installe d’abord et on discute ensuite.Quitte à revenir en arrière.

  • Sur la place Benjamin-Constant, les aménagements faits par la Ville suscitent la controverse. MISSON

    Sur la place Benjamin-Constant, les aménagements faits par la Ville suscitent la controverse. MISSON

Lorsque Michel Curchod, propriétaire de la boutique Le Coup de Chapeau à la place Benjamin-Constant, a vu arriver les services de la Ville devant sa boutique afin d’y installer une terrasse en lieu et place de deux places de parc, les bras lui en sont tombés. «Je n’avais été ni informé, ni consulté!», se souvient-il.

Finalement, la dite terrasse a été placée plus haut. Mais l’exemple illustre parfaitement bien l’effet de surprise de nombre de Lausannoises et de Lausannois ces derniers mois, quand, du jour au lendemain, la ville a changé de visage, la crise sanitaire ayant permis d’accélérer les procédures en matière de mobilité, soit l’aménagement de 7,5 km de pistes cyclables, de faire passer 18 rues en zone modérée et de permettre environ 200 extensions de terrasses. Tout cela en un temps record, mais sans véritable consultation préalable.

Effet yoyo

De fait, cette politique du fait accompli a suscité nombre d’oppositions et obligé la Ville à rétropédaler. Exemple parmi d’autres, la piste cyclable descendant l’Avenue d’Ouchy sera supprimée, sur souhait des riverains, seulement quatre mois après avoir été mise en place. Et trois pétitions ont été déposées mercredi dernier pour marquer le désaccord des 4251 signataires avec des actes qualifiés de «dictatoriaux ». Le jeu en valait-il la chandelle?

«Je ne vois aucun inconvénient à devoir revenir en arrière, estime Denis Corboz, président du Parti Socialiste lausannois. Si quelque chose ne convient pas, on en discute et on trouve un équilibre.» Même son de cloche du côté des Verts: «Cette période de crise nous a montré qu’il était possible d’aller vite en cas d’urgence. Evidemment, l’urgence ne doit laisser personne de côté, ni la consultation de la société. Mais consulter avant ou après n’est pas déterminant, du moment que l’on peut rectifier le tir, ce qui n’est pas un problème pour des choses peu coûteuses, comme de la peinture», note Xavier Company, co-président de la section lausannoise.

Anti-démocratique

De l’autre côté de l’échiquier, ce n’est pas ainsi que Philippe Miauton, président du PLR lausannois, envisage une gestion apaisée de l’aménagement en ville. «La Municipalité a profité de la situation sanitaire pour accélérer et passer en force une politique déjà prévue, qui n’a pas grand lien avec le Covid», déplore-t-il. Et c’est un fait, la grande majorité des changements effectués étaient déjà dans le radar de la Municipalité, confirme Florence Germond.

«Le fait que la Ville ait décidé d’agir à la hussarde, c’est plutôt anti-démocratique, mais très malin, estime pour sa part Christophe Andreae, président de la Société de développement d’Ouchy. En agissant comme elle l’a fait, Mme Germond obtient davantage et plus vite, même s’il faut revenir en arrière sur certains points, que si la consultation s’était faite avant. D’un point de vue strictement politique, la méthode est compréhensible, même si elle n’est pas élégante.»

Mais que les Lausannoises et les Lausannois se rassurent. Cette manière de faire, permise par la crise sanitaire, ne devrait pas devenir une habitude des autorités, qui comptent en effet revenir à une façon plus traditionnelle de procéder, en concertation avec la population, assure Florence Germond. Joëlle Misson