Un budget des quartiers participatif ou alibi?

FINANCES • Le 20 novembre, le Conseil communal a accepté, à une courte majorité, trois préavis portant sur la politique des quartiers. Parmi ceux-ci, l’un porte sur le «budget participatif». Mais tout le monde n’est pas d’accord sur sa définition et la Ville met en place sa version personnalisée du concept.

  • La notion de budget participatif pour les quartiers ne met pas tout le monde d’accord. DR

    La notion de budget participatif pour les quartiers ne met pas tout le monde d’accord. DR

Cela fait déjà 20 ans que l’idée de la mise en place d’un budget participatif plane au-dessus de la Ville de Lausanne, sans jamais prendre racine. Aujourd’hui, après plusieurs postulats demandant l’étude ou la mise en place de budget participatif pour les habitants, la Municipalité a franchi le pas. Mais beaucoup ne partagent pas la vision de la Municipalité sur ce que doit être un budget participatif.

Le concept se serait développé au Brésil et aurait essaimé ensuite dans plusieurs villes d’Europe. Dans le contexte brésilien, il s’agissait de redonner le pouvoir au citoyen pauvre: lui permettre de discuter et de décider du budget et des politiques publiques. Pour la socialiste Latha Heiniger, le «budget participatif» de la Ville n’en est pas un, mais s’apparente plutôt à une subvention. «L’essence d’un tel budget est de donner le pouvoir au citoyen d’agir sur les finances de la Ville», explique-t-elle.

De meilleures chances pour les projets

La version mise en place à Lausanne permettra aux habitants, dès 2019, de déposer des projets touchant leur quartier durant une période d’appels à projet en début d’année. Dans un deuxième temps, une analyse de risque et de faisabilité sera effectuée sous la responsabilité de la Ville. La troisième étape consistera à inviter la population lausannoise à voter pour les projets qu’ils souhaitent voir réalisés. Cette votation déterminera également le montant qui sera attribué à chaque projet. Pour David Payot, municipal en charge des quartiers, l’avantage principal de cette évolution sera de faciliter le dépôt de projets. «Jusque-là, les chances de succès d’un projet citoyen dépendaient en grande partie de la capacité des acteurs à déposer leur dossier dans le bon service et au bon moment…», détaille-t-il. Avec la nouvelle politique, la coordination des quartiers se chargera de recevoir les projets – qui devront répondre à certains critères et ne pas dépasser un montant déterminé. Le budget alloué aux projets de quartiers sera de 103’000 francs la première année et devrait augmenter ensuite jusqu’à 450’000 francs en 2021, fin de la période pilote.

Pas assez participatif…

Latha Heiniger craint que pratiquer un appel à projets ne crée une mise en concurrence, même si le vote des citoyens aurait pour effet de valoriser leur contribution… «Mais dans un contexte où la Ville garde la maîtrise du budget comme des parents donneraient de l’argent de poche à leurs enfants!», regrette-t-elle. Fabrice Moscheni, a l’origine du postulat, regrette aussi que «le préavis ne réponde qu’en partie à nos attentes». Lui et ses co-signataires demandaient un budget participatif qui porte au moins sur 10 à 15 millions de francs. «Et un élément crucial a également a été totalement oublié: le budget participatif doit permettre à la population de participer à la rationalisation des dépenses en faisant des choix de priorisation entre différents projets de la Ville.» De son côté, David Payot explique qu’«il s’agit d’une forme de budget participatif dans le sens où il permettra aux habitantes et habitants de co-décider des montants à allouer à des projets qu’ils auront eux-mêmes conçus et développés.» Les citoyens y trouveront peut-être leur compte mais des élus attendent que la collectivité publique fasse un pas supplémentaire pour résoudre les problèmes de fonds qui peuvent se présenter dans les quartiers.