Un pavillon suisse pour l’Aquarius: pas si simple!

HUMANITAIRE • Le Conseil communal souhaite un geste en faveur du navire humanitaire Aquarius. Mais l’octroi du drapeau suisse à un bateau étranger est soumis à restriction.

  • Obtenir le pavillon suisse n’est pas une chose simple. DR

    Obtenir le pavillon suisse n’est pas une chose simple. DR

A une large majorité, la Municipalité de Lausanne est vivement encouragée à signifier au Conseil fédéral qu’il faut accorder le pavillon suisse au navire humanitaire Aquarius. Le socialiste Vincent Brayer a lancé l’idée suivi par son municipal Oscar Tosato.

Selon l’argumentaire de l’Entraide protestante (EPER), accorder le pavillon suisse serait «un geste d’humanité» et une façon de marquer une opposition à la «criminalisation des organisations humanitaires». Le navire de SOS Méditerranée se trouve bloqué depuis plusieurs semaines à Marseille et cherche un nouveau pavillon.

Tout le monde n’est pas du même avis. À droite, pour Philipp Stauber (PLC), les migrants qui choisissent la traversée sur un bateau «ont les moyens de se payer l’avion, mais ne le font pas parce qu’ils savent que leur acte est illégal». Le soutien de Lausanne pourrait être assimilé à une politique migratoire «extrêmement dangereuse».

Des cas précis

Juridiquement le pavillon suisse n’est pas accordé à n’importe qui. Selon la Loi sur la navigation maritime sous pavillon suisse (1953), l’armateur doit être un Suisse domicilié en Suisse. Actuellement une trentaine de cargos répond à cet objectif. Y compris le Glarus récemment capturé par des pirates nigérians et son équipage libéré contre rançon au bout d’un mois. Mais l’article 35 de la loi précise: «Exceptionnellement, le DFAE (Département fédéral des affaires étrangères) peut autoriser l’enregistrement (…) d’un bâtiment appartenant à une personne physique, une société commerciale ou une personne morale (…) qui exploite un navire à des fins philanthropiques, humanitaires, scientifiques, culturelles ou à d’autres fins analogues.»

Un précédent

En 2016, avec la bénédiction de Micheline Calmy-Rey, le pavillon suisse avait été accordé à un 3 mâts centenaire, long de 47 m, exploité par la fondation bernoise Jugendschiffe Schweiz. Le bateau aurait même dû être le No 50 de la flotte suisse en avril 2016 pour fêter le 75e anniversaire du pavillon suisse créé en 1941. Le sommet de la vague: jamais la flotte suisse n’avait compté autant de bateaux… La Poste voulait même consacrer une vignette à son effigie, mais elle y a renoncé vu l’opposition des armateurs suisses.

La Jugendschiffe Schweiz a cessé toute activité en novembre 2017. Fondée en 2001, elle devait offrir un nouveau départ à 200 jeunes de Suisse, d’Allemagne et du Sud-Tyrol, des toxicomanes, alcooliques ou adolescents à problèmes tenus à distance des tentations urbaines. Les coûts élevés du traitement avaient fait l’objet de polémiques: 156’000 francs par jeune à réinsérer, sans parler du danger de tomber à la mer.

Fin de l’histoire et fin du pavillon suisse humanitaire. L’Aquarius bénéficiera-t-il de la même bienveillance d’Igniazio Cassis? Il ne fendra pas les mêmes eaux. Olivier Grivat