«Une élection au Conseil d'Etat sans passion»

Pour le politologue lausannois René Knüsel, le principal enjeu de l’élection complémentaire du 17 mars est de pérenniser la gouvernance actuelle au-delà du choix des hommes et des femmes.

La socialiste Rebecca Ruiz est-elle vraiment la favorite de cette élection?

L’élection complémentaire à l’exécutif vaudois pourrait être plus ouverte que ce que les observateurs le laissent entendre, avec cinq prétendants en lice. Certes, deux favoris clairs seront en tête l’après-midi du 17 mars, à l’heure de la proclamation des résultats: Rebecca Ruiz et Pascal Dessauges. Mais alors même qu’il s’agit de remplacer un socialiste, la candidate à la rose n’est pas assurée de réunir 50% des suffrages lors du premier tour. Les deux candidats des listes de gauche pourraient non seulement la priver des suffrages de leurs partisans respectifs, mais aussi rassembler ceux de sympathisants d’autres partis mécontents. Les jeunes Verts ont choisi cette forme de protestation.

L’UDC Pascal Dessauges et le PDC Axel Marion sont-ils des challengers possibles ?

Pour Pascal Dessauges, l’équation n’est pas aisée non plus. Il doit convaincre ses propres rangs et surtout ceux des libéraux-radicaux. Il est resté absent de l’arène politique de nombreuses années. Une partie des «cousins PLR» sera encline à faire quelques calculs en prévision des renouvellements futurs, partiels ou complets du Conseil d’Etat. Quant à Axel Marion, même si on lui prête un profil de centre gauche, il devrait réunir une majorité des électeurs des formations centristes, mais pourrait aussi séduire quelques dissidents PLR, voire UDC. Certains électeurs de gauche pourraient également lui apporter leur soutien.

Au final c’est donc a priori une élection sans enjeu…

Le résultat de cette élection ne devrait pas passionner l’électeur, c’est vrai. Certes, l’équilibre gauche-droite pourrait être remis en question. Mais l’enjeu est sans doute ailleurs, plus ténu, puisqu’il s’agit de porter au pouvoir une personnalité appelée à compléter une équipe pratiquant une collégialité efficace. Le compromis dynamique, formule qui a si bien réussi au canton ces dernières années, sera ainsi confronté à un défi plus important lors des prochains renouvellements. En cela, le véritable enjeu réside sans doute plus dans les calculs des états-majors en vue de la pérennisation ou non du modèle de gouvernance actuel. Dans cette perspective, le PS est déjà parvenu à rajeunir ses rangs, opération qui n’a pas encore débuté pour le PLR. Le résultat de Pascal Dessauges devra donc être pesé, aussi et surtout, à l’aune des élections à venir. La campagne actuelle recèle donc quelques réponses quant à l’équilibre des forces qui se bâtira au niveau du gouvernement ces prochaines années.

Propos recueillis par Charaf Abdessemed