«On veut nous sauver de Uber mais on nous torpille»

ECONOMIE • Afin de (di)gérer la baisse de travail, le nombre de concessions de Taxi A sera diminué dans l’agglomération lausannoise. Les centrales de taxis craignent pour leur survie.

  • Une profession qui a de plus en plus de mal à vivre de son travail. VERISSIMO

    Une profession qui a de plus en plus de mal à vivre de son travail. VERISSIMO

Le gâteau étant désormais plus petit, diminuons donc le nombre de convives appelés à se le partager. C’est un peu dans cette philosophie que le conseil intercommunal des taxis a décidé au début de ce mois, d’abaisser le nombre de concessions de taxis A en vigueur dans l’agglomération lausannoise - actuellement compris entre 230 et 280 - à 180-240 dès les prochains appels d’offres.

Cette décision fait suite à un constat évident: face à la concurrence des transports en commun, de plus en plus performants, et face à l’arrivée de Uber, les chauffeurs de taxi de la région travaillent beaucoup moins, avec pour conséquence une baisse notable de leurs revenus.

«Nous avons constaté une baisse importante du nombre d’appels à Taxi Services, explique Pierre-Antoine Hildbrand, président du Comité de direction du conseil intercommunal des taxis et municipal lausannois. Cela veut dire qu’il y a trop de chauffeurs par rapport à la demande actuelle et nous en avons tiré les conclusions. Si nous laissons faire la tendance actuelle sans réagir, les chauffeurs de taxi deviendront des working poor et n’arriveront tout simplement plus à vivre de leur travail ».

Opposition

Seulement voilà: au cours du processus de concertation qui a précédé la décision de diminution du nombre de concessions, de nombreuses organisations de taxis ont tenu, selon nos informations, à marquer par écrit leur opposition. «L’augmentation espérée de travail pour les chauffeurs n’est que pure théorie, car les personnes qui obtiendront les concessions sont celles qui travaillent déjà» s’inquiète ainsi Daniel Guignard, patron des taxis indépendants lausannois.

Mais il y a encore plus grave. La baisse future du nombre de chauffeurs sous concessions se traduira mécaniquement par une baisse du nombre de chauffeurs abonnés aux fameuses centrales d’appels qui gèrent les demandes des clients. «Nous n’avons pas à nous prononcer sur le nombre de concessions. En revanche, cette décision nous fait craindre pour notre survie, explique Jean Lazega, directeur de Taxi Services sàrl. Si nous avons moins de chauffeurs abonnés, nous devrons donc augmenter le prix de l’abonnement pour tourner, car nos frais fixes eux ne changeront pas. Et ça, nombre de chauffeurs n’auront pas les moyens de le faire.»

«Je comprends très bien le bien-fondé de la démarche du conseil des taxis, explique le socialiste Benoît Gaillard qui en est lui-même membre. Mais je regrette beaucoup qu’il n’y ait pas eu de réflexion sur la viabilité du service public qu’offrent les centrales, et dont les prestations sont encore nécessaires pour de nombreux usagers».

Selon nos informations, une augmentation du montant des abonnements aux centrales serait déjà actée pour 2019, les associations de taxis ayant d’ores et déjà décidé - en compensation - de solliciter Pierre-Antoine Hildbrand pour obtenir un allégement des charges communales. «M. Hidlbrand joue la montre, mais si les communes ne compensent pas d’une manière ou d’une autre le manque à gagner, nous risquons de disparaître, déplore Jean Lazega. Pour ma part, ce sont 26 emplois qui sont en jeu. On veut nous protéger de Uber mais on nous torpille, sans tenir compte du fait que, alors même que nous ne sommes pas subventionnés, nous assurons un vrai service public.»

Maintenir un équilibre

«Afin de permettre à la profession de s’adapter, nous ne procéderons pas à la baisse du nombre de concessions trop rapidement, rassure Pierre-Antoine Hildbrand. Celles-ci vont même d’ailleurs augmenter dans un premier temps. Notre souhait est de maintenir un équilibre assez sain entre la baisse future du nombre de concessions et les besoins de la centrale téléphonique qui répartit ses coûts entre tous les chauffeurs».

Charaf Abdessemed