Cédric Jotterand: «Avec le Journal de Morges, je suis condamné à réussir»

PRESSE • Mis en vente par le groupe Tamedia, le Journal de Morges, véritable institution, vient d’être racheté par son rédacteur en chef Cédric Jotterand qui a relevé le défi de réunir suffisamment d’investisseurs. Un véritable pari sur l’avenir à l’heure où le monde de la presse est passablement chahuté.

  • Cédric Jotterand, nouveau patron du  Journal de Morges. dr

    Cédric Jotterand, nouveau patron du Journal de Morges. dr

Comment expliquer que Tamedia, dont l’objectif est la recherche de rentabilité, puisse se défaire de journaux locaux comme le Journal de Morges, qui sont tout à fait rentables?

Les petits journaux sont rentables c’est vrai, mais leur rentabilité est faible et les ordres de grandeurs ainsi que les potentiels ne sont pas du tout les mêmes. Par le jeu des acquisitions, Tamedia s’est retrouvé avec des titres un peu atypiques comme «Terre & Nature», «Bilan», etc. Or, leur volonté a été clairement exprimée: se concentrer sur les gros journaux régionaux. D’où la vente des titres qui ne correspondent pas à l’esprit de leur portefeuille.

Pourquoi avoir décidé de reprendre le Journal de Morges?

Ce qui m’a motivé, c’est que le Journal de Morges est dans une dynamique positive, sans avoir la pression de rentabilité des grands journaux. Ici, on a un vrai projet offensif, une vraie carte à jouer dans un territoire précis et on peut faire beaucoup de choses, tout en étant conscients de nos possibilités limitées.

La recherche d’investisseurs a-t-elle été aisée?

Au début j’ai recherché un mécène. Heureusement, je ne l’ai pas trouvé et il a fallu imaginer un montage financier crédible et représentatif de ce que l’on pouvait vraiment faire. J’y ai mis mes économies, puis des proches se sont joints à moi, suivis progressivement par des petites entreprises etc. Avec le vendeur, Tamedia, j’ai joué cartes sur table: nous avons versé la moitié du prix de vente le jour J et la deuxième moitié sera payée sur les 5 prochaines années. Ils ont accepté, séduits par un modèle qui garantit que les gens qui prennent le journal souhaitent l’ancrer durablement dans la région. Me voilà donc condamné à réussir pour moi et pour eux.

Vous maintenez les emplois et avez des projets de développement, notamment numériques. Comment allez-vous financer ces projets?

La base de notre activité doit amener de l’argent pour payer les charges, salaires, frais postaux, imprimerie. Pour le reste, il nous faut consolider notre modèle avec l’aide des communes aux alentours qui, avec des dons symboliques, vont nous permettre de constituer un fonds de base. Elles y ont un intérêt car il est plus simple de nous soutenir que de se doter d’un journal communal. Et puis enfin, nous avons commencé à sensibiliser les annonceurs et les lecteurs. L’annonce de notre rachat a d’ailleurs eu un impact considérable: depuis 10 jours un véritable engouement s’est manifesté avec une très nette augmentation de nos abonnements. Au fond, la balle est dans le camp des lecteurs, à eux de savoir s’ils veulent un journal ou pas. Après, à nous d’être à la hauteur.

Quelles sont les échéances à venir?

La période de 5 ans qui vient va être décisive. Mais déjà, en février prochain, nous saurons si le Conseil communal de Morges va suivre sa Municipalité et accepter de nous prêter des fonds, et si les annonceurs auront tenu leurs promesses. Très vite nous saurons donc si nous aurons été au rendez-vous de nos ambitions ou pas.