«Tu as deux mains, alors utilise-les!»

Ancienne grande basketteuse suisse et internationale, Christiane Badel est présidente de la Fondation Sentinelles qui vient au secours de l’innocence meurtrie depuis 40 ans cette année. Son parcours est exceptionnel.

  • Une vie passée au service des plus démunis. WULLSCHLEGER

    Une vie passée au service des plus démunis. WULLSCHLEGER

  • La Fondation Sentinelles est très active en Afrique et vient notamment en aide aux enfants victimes du noma. WULLSCHLEGER

    La Fondation Sentinelles est très active en Afrique et vient notamment en aide aux enfants victimes du noma. WULLSCHLEGER

Elle est née avec l’Afrique au cœur. Et elle ne se l’explique pas. Dans la discussion animée que nous avons, riche en mots fragiles, Christiane Badel, 74 ans, avoue qu’elle aurait voulu être infirmière: accompagner, soigner, aider les gens. Elle a finalement été professeure d’éducation physique: transmettre des valeurs, un bien-être, l’envie de l’effort, de se dépasser, entourer, encadrer des jeunes.

Depuis 2014, elle est présidente de la Fondation Sentinelles au secours de l’innocence meurtrie, qui a son siège à Prilly, ainsi définie par Edmond Kaiser qui l’a créée en 1980 et qui, vingt ans auparavant, avait déjà été le fondateur de Terre des Hommes. Elle y est entrée huit ans plus tard. Sentinelles cherchait alors des bénévoles, elle a écrit.

Se rendre utile

«Sans avoir de compétences particulières, j’ai toujours eu envie de me rendre utile», explique-t-elle. «Je suis née dans une famille aimante, dans un pays en paix, j’ai toujours eu à manger. Je me disais: tu as deux mains alors utilise-les, mets-les au service des autres. Du coup, cette envie de s’engager autrement, de se rendre utile, m’est venue tout naturellement.»

Et d’ajouter: «Un jour, j’ai écrit à la Fondation Mère Teresa pour être volontaire. C’est ainsi que je suis allée en Inde pendant les vacances scolaires. J’ai travaillé dans ce qui s’appelait “le mouroir”, à Calcutta. Ce lieu recueillait des adultes, trouvés gravement malades, mourants souvent, dans les ruelles des bidonvilles de la ville. Les aider à manger, faire leur toilette, nettoyer les lits (des gravats), panser les blessures, être à leurs côtés.»

Des dons pour vivre et faire vivre

La Fondation Sentinelles dépend essentiellement des dons du public. Elle a pour objectif la recherche et le secours immédiat d’êtres particulièrement meurtris, puis leur accompagnement à moyen ou long terme dans plusieurs pays d’Afrique, en Colombie et en Suisse.

«Ce qui nous différencie d’autres organisations, c’est le suivi individuel», précise Christiane Badel. «A Sentinelles, chaque personne aidée fait l’objet d’un dossier. On travaille au cas par cas, personne par personne. Nous tenons compte de ce qu’elle est, de son histoire, de son environnement, de ses possibilités. C’est un cheminement qui doit amener la personne à son autonomie. L’innocence meurtrie, c’est un vaste domaine.» En quoi consiste son travail en tant que présidente? «Je suis présidente mais ça ne veut pas dire grand-chose», dit-elle avec modestie. «C’est ce que fait la Fondation qui est important et la mettre en lumière est primordial. C’est un travail d’équipe. Je fais des travaux administratifs, j’ai des rendez-vous, je supervise le travail, etc. Mais je préférerais être encore sur le terrain.»

La Fondation dépend essentiellement des dons publics. «Nous n’avons pas de vrais mécènes, quelques personnes nous soutiennent fidèlement mais les dons du grand public font l’essentiel», souligne-t-elle. «Aujourd’hui s’ajoute ce virus qui touche tellement de gens, qui ont tout perdu, qui ont des soucis monstrueux. Notre appel? C’est “Ne nous oubliez pas!” Nous faisons aussi appel à des communes, des entreprises, nous contactons des fondations, etc. Des événements sont aussi organisés, mais à cause de la pandémie, ils sont malheureusement annulés ou repoussés.»

Des avancées existent

Sur le terrain, Christiane Badel constate heureusement des avancées. «Nous ne faisons pas de développement à grande échelle, si ce n’est individuel. Et, oui, des avancées existent puisque celles et ceux que nous suivons parviennent à prendre leur envol. On est attentifs, on ne veut pas devenir une «grosse machine», ce qui ne nous permettrait plus de travailler de cette manière.»

En Suisse, la Fondation s’occupe essentiellement des enfants victimes du noma, cette maladie qui ronge leur visage. Elle a une collaboration très précieuse avec les HUG (Hôpitaux Universitaires de Genève). Ces enfants, qui ont des séquelles très importantes et ne peuvent être opérés dans leur pays ou lors de missions sur le terrain, sont transférés ici pour y subir souvent plusieurs interventions chirurgicales, en vue d’une reconstruction de leur visage. «Nous collaborons avec “La Maison” de Terre des Hommes Valais à Massongex. Elle accueille des enfants souffrant de diverses pathologies venus se faire soigner en Suisse.» Une grande satisfaction pour cette battante qui a simplement toujours eu envie de se rendre utile. Jacques Wullschleger

www.sentinelles.org

CP Lausanne 10-4497-9