«Le racisme existe dans la police, cela ne se discute pas»

SECURITE • Les conseillers communaux socialistes, Yusuf Kulmiye et Mountazar Jaffar, viennent de déposer deux postulats destinés à «apaiser les relations entre la police et la population». Le premier demande la généralisation de la bodycam, le second celle du récépissé remis aux personnes contrôlées.

«Le racisme existe dans la police, cela ne se discute pas. Plusieurs personnes d’origine africaine sont mortes suite à des interventions policières.» Le conseiller communal socialiste Yusuf Kulmiye n’y va pas avec le dos de la cuillère quand il s’agit de justifier le dépôt de son postulat demandant la généralisation de la caméra piéton, la fameuse bodycam, au sein du corps de police. Selon l’élu, cette technologie permettrait la désescalade de la violence tout en renforçant le sentiment de sécurité, tant pour la population que pour les policiers.

Essai-pilote concluant

Sa démarche s’appuie sur un essai-pilote mené entre juillet 2019 et janvier 2020 par la police lausannoise et la gendarmerie vaudoise: «Cette expérience s’est avérée concluante selon un rapport effectué par l’Université de Lausanne. La police municipale de Zurich, ainsi que la police des transports des CFF ont aussi testé ce dispositif. Le parlement de la ville de Zurich a donné son feu vert en mai 2021 pour la mise en place sur le long terme des bodycams.» Très concrètement, l’élu souhaite que chaque intervention, qu’il s’agisse d’une interpellation ou d’un banal contrôle, soit filmée par les policiers. «Ces vidéos pourraient être utilisées par le Ministère public en cas de procédure judiciaire, précise Yusuf Kulmiye. Chaque citoyen qui a eu maille à partir avec les forces de l’ordre aurait aussi le droit, sur demande, d’exiger l’extrait filmé. La bodycam fait partie d’une réforme logique et nécessaire de la police lausannoise.»

Lutter contre les arrestations abusives

C’est habité de la même logique que son collègue de parti, Mountazar Jaffar, a déposé son propre postulat. «Certaines dérives et tragédies démontrent qu’il y a encore beaucoup de travail à faire au sein de la police lausannoise. Or, cette dernière se doit de bénéficier de la confiance de toute la population. C’est pourquoi je propose qu’un récépissé soit systématiquement remis à chaque personne contrôlée. Cet outil est déjà utilisé en Espagne, par exemple. Il permet de lutter contre le profilage racial.»

Le conseiller communal souhaite que cette quittance comporte le numéro de matricule de l’agent ainsi que l’heure, le lieu et la raison de l’interpellation. But avoué? Mettre un terme aux arrestations abusives. Les deux élus ne s’en cachent pas, la période est propice à ce type de lutte politique: «Un rapport d’experts indépendants, mandaté par l’ONU et le Conseil fédéral, juge inquiétante la situation des droits humains des personnes afro-descendantes en Suisse. Et Lausanne ne fait pas exception. Il est temps que cela change et que l’on arrête de nier que le racisme existe sous nos latitudes. Ces deux postulats constituent la première étape d’une longue lutte que nous entendons mener.»

Des postulats à l’avenir incertain

Une lutte qui se confrontera inexorablement au cadre légal vaudois puisqu’actuellement ce dernier ne permet toujours pas à un policier de filmer en continu au moyen d’une bodycam.

Pour ce qui est du récépissé délivré lors de chaque contrôle, le conseiller communal lausannois Pierre Conscience avait déjà déposé un postulat semblable en 2017. A l’époque, la mesure proposée par l’élu d’Ensemble à Gauche avait été clairement rejetée. Même si cinq années se sont écoulées, la probabilité reste grande pour qu’il subisse le même sort…