Les commerçants du Grand-Pont peinent à sortir la tête de l’eau

COMMERCE • Après d’importants travaux d’assainissement, le Grand-Pont a rouvert le 3 décembre dernier. Rescapés de cette épreuve, les commerçants souhaitent attirer l’attention sur le manque de considération dont ils se sont sentis victimes… et leurs difficultés actuelles.

  • Ana et Jorge Coehlo, gérants de Anna Deco, auraient aimé être davantage soutenus. MISSON-TILLE

    Ana et Jorge Coehlo, gérants de Anna Deco, auraient aimé être davantage soutenus. MISSON-TILLE

«Les clients ne se rendent pas compte de ce que nous avons traversé, estime Ana Coehlo, gérante de la boutique Anna Deco. Ils pensent que nous avons été indemnisés, mais ce n’est aucunement le cas.» Durant presque une année, les commerces situés sur le Grand-Pont ont dû serrer les dents, et improviser. «C’était de nouvelles découvertes jour après jour, poursuit-elle. Les changements ne nous étaient pas communiqués alors qu’ils impactaient notre travail.»

Manque d’information

Cachés derrière barrières et palissades, les commerçants se sont sentis invisibles, au propre comme au figuré. La poussière et le bruit les ont obligés à travailler durant 10 mois dans des conditions parfois délétères. Surtout, ils déplorent le manque de communication et de soutien qui leur aurait permis de s’adapter plus sereinement mais aussi de se sentir considérés. «Des petits gestes, tels qu’une petite indemnisation des frais de nettoyage des vitrines, dont la fréquence a dû être augmentée à cause de la poussière, nous auraient montré qu’ils n’en avaient pas rien à faire», estime Ana Coehlo.

Elle et Jorge Coehlo se sont notamment retrouvés face à d’importantes complications logistiques auxquelles ils ne trouvaient pas de réponse auprès de la Ville. Si leur chiffre d’affaires est fort heureusement resté stable, la marge du magasin a été grandement réduite en raison de frais supplémentaires liés entre autres aux livraisons. «Les déviations, les difficultés d’accès et les changements de lieux de livraison ont souvent provoqué des retards. Conséquence: puisque les horaires et lieux de livraison sont strictement règlementés, nous avons eu beaucoup d’amendes à payer. Une fois, nous avons dû renvoyer un camion car il n’avait nulle part où se garer.»

«Pire que la pandémie»

Aujourd’hui, certains peinent à remonter la pente. Rui Guan, gérant de la boutique Bellezone a perdu 60% de son chiffre d’affaires en 2022. «J’ai des dettes pour la première fois en 20 ans» indique-t-il. Gérant de Watch-House, Dominique Donzé a préféré fermer en mai 2022: «Passer de trente clients par jour à seulement deux, n’était pas viable. Je perdais moins d’argent ainsi», regrette-t-il. Il a réouvert en janvier de cette année, mais l’épreuve du Grand-Pont a été pour lui bien pire que la pandémie. Des semaines de fermetures imposées sans véritable agenda, des commandes de fournisseurs qui n’arrivent pas en raison des complications d’accès au magasin et qui se répercutent sur les clients, sans parler des difficultés financières: tout cela a plongé Dominique Donzé dans un stress intense. «Je suis triste qu’il n’y ait pas eu davantage de préparation avec les commerçants afin de les aider à traverser cette période.» Un constat partagé par d’autres enseignes, qui, après la crise de 2020 et 2021 et le chantier de 2022, se demandent ce qui les attendra en 2023. Contacté, le Service de la mobilité et des aménagements du territoire n’a malheureusement pas été en mesure de nous rendre réponse dans les délais demandés.