Les paris explosent, surtout chez les jeunes

COUPE DU MONDE • Depuis le début de la Coupe du monde de football, les parieurs sont dans les starting-blocks. Entre 2020 et 2021, le chiffre d’affaires généré par les paris sportifs en Suisse a plus que doublé.

  • Selon Natacha Cattin, pour les joueurs, un match sans pari perd tout son intérêt. 123RF

    Selon Natacha Cattin, pour les joueurs, un match sans pari perd tout son intérêt. 123RF

«Je connais bien le problème, lâche Christine*. Mon petit frère a tout perdu. Dès qu’il avait un peu d’argent, il le pariait. Ça l’a complètement détruit...» Aussi, depuis le début du Mondial au Qatar, les inquiétudes de la jeune femme redoublent. D’autant que les paris sportifs connaissent un boom depuis plusieurs années: «Les années 2020 et 2021 ont été particulièrement difficiles pour la santé mentale des jeunes, en raison de la pandémie de Covid-19. En 2021, le cocktail restrictions sociales, Euro de football et campagne marketing spécialement agressive ciblée sur les très jeunes permet probablement d’expliquer l’augmentation massive du produit brut des paris sportifs», relevait déjà le Groupement romand d’études des addictions (GREA) dans un rapport en mai.

Les parieurs se surestiment

«Le confinement a accéléré les choses», confirme Natacha Cattin de l’association «Rien ne va plus». Sont principalement concernés les hommes, âgés de 18 à 29 ans, ayant un niveau socio-économique bas. «Lors de mes interventions dans les maisons de quartier, j’ai pu constater que les mineurs ne sont pas épargnés. Certains, qui ont moins de 18 ans, arboraient même un ticket de la loterie romande. Les paris sportifs sont d’autant plus dangereux que les parieurs ont tendance à surestimer leur potentiel. Ils se disent: «Je connais le football, je vais devenir riche!»

S’ajoute un marketing ciblé particulièrement bien rodé. «Les publicités s’appuient sur des stars connues par les jeunes. Et jouent sur le concept de communauté», détaille Natacha Cattin. A l’image de la publicité de la Loterie romande qui, sortie en juin 2020, souhaite la «Bienvenue dans le monde des parieurs». Une invitation assortie d’un clip rythmé d’une minute qui loue les qualités de «ceux pour qui prédire le futur devient une seconde nature».

Le risque d’endettement

Cette adrénaline participe à créer l’addiction. «Pour un joueur, un match sans pari perd tout son intérêt», complète Natacha Cattin. Sauf que, le gain financier n’est pas toujours à la clé. Loin de là. «En 2021, les pertes des joueurs de paris sportifs ont augmenté de plus de 50%», indique le GREA dans son rapport. «Les matchs comme tous les sports demeurent imprévisibles», poursuit Natacha Cattin. Tel fut le cas, par exemple, du match entre la Suisse et la France, en huitième de finale de l’Euro. Lorsque, après avoir été menée par les Bleus, la Nati a finalement égalisé avant de l’emporter aux tirs au but. Dans son rapport d’activité annuel, la Loterie romande précise que seuls «12% des parieurs avaient pronostiqué une victoire de la Suisse contre la France». Autrement dit, 88% des parieurs se sont trompés. «Certains avaient parié l’intégralité de leur salaire sur ce match», insiste l’experte. Et de décrire le cercle vicieux: «Le parieur qui perd a tendance à parier à nouveau pour pouvoir se refaire. Cette spirale mène à l’isolement, l’anxiété, le stress, la dépression et l’endettement.» Grand parieur depuis des années, Téo* connaît les risques et s’en tient à une règle immuable: «Je ne réinvestis que le produit de mes gains.» Pour savoir si le comportement d’un joueur est problématique, «Rien ne va plus» a mis en place une autoévaluation accessible en ligne: leclicdetrop.ch. Un test d’autant plus utile que le tabou autour des paris sportifs demeure fort.

*prénoms fictifs