Malgré l’annonce d’un repreneur, les habitants de la Bourdo ont le bourdon

QUARTIER • Il y a quelques semaines, la Bourdonnette perdait son unique épicerie, ainsi que la filiale postale qu’elle abritait, faute, dit-on, de rentabilité économique. Alors qu’un repreneur est annoncé pour le 1er avril, les habitants restent fatalistes et circonspects.

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«Si les affaires ne marchaient pas, nous ne serions pas ici depuis 17 ans» La patronne d’une boucherie portugaise

La RTS, LFM, La Télé… A la Bourdonnette ces dernières semaines, le défilé des médias amuse autant qu’il fait plaisir. «Depuis quelques temps, ça n’arrête plus, à croire que notre quartier intéresse de plus en plus de monde», lance une habitante, aussi goguenarde que ravie. L’origine de ce raffut? L’interpellation urgente déposée par le conseiller communal socialiste Mountazar Jaffar, lui-même natif du quartier et qui déplore la «disparition des commerces de quartier à la Bourdonnette».

Il y a une trentaine d’années encore, le quartier présentait une bien meilleure mine, avec son coiffeur, sa banque, sa boulangerie, sa poste, son épicerie, tous disparus aujourd’hui. Malgré la propreté qui y règne, la Bourdonnette, enclavée entre le métro et l’autoroute, revêt en effet un aspect vaguement fantomatique en cette grise matinée de février, où les façades bétonnées des immeubles subventionnés, qui abritent près de 500 familles pour 2000 habitants, encerclent des locaux commerciaux désespérément vides. «J’habite ici depuis 1991 et je me dis que ce quartier est vraiment devenu un cimetière, lance Monique Gachet, une vieille dame, au regard à la lueur combative. J’ai connu Denner, la poste, la boulangerie, et maintenant plus rien. On s’y fait certes, mais à mon âge, ce qui me dérange le plus c’est évidemment la disparition de la poste».

Dernières illusions

En juin 2020, la Poste annonçait en effet le remplacement de l’office du quartier par une «filiale» implantée au sein d’un des deux magasins d’alimentation de la place, vantant «le maintien d’un point d’accès de qualité dans ce quartier». Las… Ce dernier a fermé ses portes il y a quelques semaines, emportant avec lui le point postal «de qualité» promis, ainsi que les dernières illusions des habitants. «Si j’ai envie d’une bière le soir, je n’ai nulle part où m’approvisionner, lance un jeune. Heureusement, j’ai maintenant un scooter et je peux me déplacer si besoin, mais bien des personnes n’ont pas cette possibilité». Autre exemple, ce retraité à mobilité réduite qui doit payer à chaque fois 40 francs de taxi pour aller retirer ses colis à l’office de poste de Malley-Lumière, à près de deux kilomètres de là.

Si la fermeture de la poste surprend peu au vu de la politique menée par l’ancienne régie fédérale, qui ferme progressivement les portes de ses offices les moins rentables, celle des magasins d’alimentation laisse dubitatif. «Je ne crois pas une seconde à la théorie qui veut qu’un point de vente alimentaire ne soit pas viable économiquement à la Bourdonnette. Ici, il y a 2000 habitants et juste en face, 1000 étudiants, qui ont tous des besoins de proximité, sans compter le quartier Horizon annoncé pour 2024, lance Mountazar Jaffar».

Boucherie portugaise

A l’appui de cette affirmation, et juste à côté de l’épicerie qui vient de fermer, les patrons d’une boucherie-épicerie portugaise vaquent normalement à leurs occupations: «Si les affaires ne marchaient pas, nous ne serions pas ici depuis 17 ans, lance la patronne, occupée à ranger ses produits sur les rayons de son échoppe. Nous avons une clientèle d’habitués qui apprécie nos produits spécifiques et que nous servons depuis longtemps. D’ailleurs, notre voisin ayant fermé, c’est pour elle que nous allons introduire des produits de boulangerie, histoire de dépanner. Mais c’est vrai que nous avons deux problèmes majeurs: la fermeture de la poste, et l’absence d’un bancomat…»

Lorsque l’on discute plus longuement avec le voisinage, on comprend que la faillite de l’unique épicerie des lieux n’est pas forcément liée à sa localisation à la Bourdonnette, mais plutôt à une gestion visiblement hasardeuse, loin des standards minimaux en la matière. «La personne qui la gérait ne parlait pas le français, vendait des produits périmés, et l’hygiène du lieu était plus qu’aléatoire, explique l’un d’entre eux. Moi-même, j’évitais au maximum d’y aller, tant le lieu n’était pas aguichant. Mais contrairement à d’autres habitants, j’ai une voiture, ce qui me permet de m’approvisionner facilement ailleurs.»

Selon nos informations, un repreneur a signé un bail à loyer la semaine dernière, pour une ouverture prévue le 1er avril prochain. Une perspective qui enchante Mountazar Jaffar, mais ne le rassure pas totalement. «L’enjeu n’est pas de savoir si ce commerce peut être repris ou pas, mais de savoir qui le reprend. Et pour moi, cela doit être un acteur qui dispose d’une masse critique suffisante pour proposer de manière pérenne des produits de qualité et à bas prix. C’est de cela dont les habitants ont besoin».

De nombreux événements pour fêter les 50 ans du quartier

La Bourdonnette fête cette année ses 50 ans. C’est effectivement en 1973 que pas moins de 234 appartements ont été mis à la disposition des locataires sans compter l’école et la garderie. Pour fêter cette longévité, des associations, des artistes et des institutions invitent, depuis le début de l’année, le public à participer à 50 événements dont 10 surprises, répartis jusqu’au mois de décembre et qui témoignent de la richesse de la palette de l’animation socio-culturelle du quartier: chasse aux œufs, ateliers, journée des droits des femmes, spectacles, plantation d’arbres, festival de hip-hop, création de carrés potagers, expositions, pique-nique canadien, fête de Noël, grève féministe... autant de manifestations qui tout au long de l’année émailleront le quotidien des habitants d’un quartier qui a mal à son image mais qui regorge de vie et de créativité.

Plus d’infos sur www.bourdonnette.org/50-ans