Mes enfants, ma maison et moi

Crise des dioxines: notre chroniqueur Alan Monoc habite dans la zone impacée par la pollution. Il raconte sa vie...

Je sais, je sais, je fais partie de ces Lausannois privilégiés qui ont la chance d’habiter dans une maison. Une propriété modeste avec un joli jardin mais qui m’a valu un divorce et des enfants hors normes. Le problème, c’est que chacun d’entre eux présente une anomalie notable. Le premier est de gauche, climato-anxieux et déconstruit, le deuxième a eu une leucémie dont il a fini par guérir grâce aux services du CHUV, dont le patron a, à en croire le Conseil d’Etat, tellement bien travaillé qu’il méritait d’être viré séance tenante. Quant à la troisième, une fille donc, elle a déclaré très jeune une méchante maladie, avec une production de mélanine si élevée que sa peau à complètement viré du blanc au noir, au point qu’elle passe pour une Black, ce qui lui vaut encore aujourd’hui, des contrôles insistants de la part de notre police qui n’arrive pas à croire qu’on puisse être noir sans être dealer… Trois enfants donc et trois problèmes graves… Que les médecins ont renoncé à investiguer, jugeant que le temps consacré à des cas si complexes était bien moins rémunérateur que quelques coups de fil facturés TARMED.

Jusqu’au jour où l’un d’entre eux, mon voisin du reste, a fini par trouver, lui-même intrigué par le devenir de son rejeton devenu bouddhiste et travailleur social: le sol de sa propriété, comme celui de la mienne est imbibé de dioxines, ces substances chimiques dont on nous jure qu’elles ne sont pour l’instant toxiques que pour nos œufs et nos poules.

En attendant les résultats d’analyses sanguines promises pour… 2024, je réalise que moi aussi je paye le prix de ce poison: travaillant pour Lausanne Cités, je gère mon stress en m’adonnant au jardinage, m’autorisant à consommer depuis de longues années tomates turquoise, fraises noires, et pommes fushia.