AMIANTE: Le scandale continue

Depuis mars 2011, dans le canton de Vaud, le désamiantage est devenu obligatoire avant toute rénovationCe processus, qui ne concerne que les bâtiments construits avant 1991, est coûteux et retarde souvent les chantiers.Afin d'éviter des frais, certains propriétaires tentent de contourner la loi. Certains rapports seraient bidonnés.

Attention, danger! Bien que son utilisation soit interdite depuis longtemps, l'amiante continue de représenter une réelle menace pour la santé de certains travailleurs. Comme pour celle de certains locataires. Car si lors d'une rénovation la loi vaudoise oblige depuis plus de deux ans tous les propriétaires à désamianter les lieux concernés, ce processus n'est pas du goût de tous, car il est coûteux et long. Résultat: certains rapports seraient bidonnés afin que les travaux de désamiantage ne soient pas effectués! De nombreuses personnes continueraient ainsi d'être exposées aux dangers liés à ce minéral fibreux naturel qui, une fois inhalé, provoque des maladies diverses, comme le cancer du poumon et de la plèvre.

La sonnette d'alarme

«En Suisse, la réglementation sur la protection des travailleurs oblige les entrepreneurs à effectuer une expertise en cas de suspicion de présence d'amiante dans un bâtiment. Mais certains s'en foutent, car cela leur coûte trop cher (ndlr. diagnostic et analyse des échantillons coûtent environ 4000 fr. pour une villa)», résume Jean (*), actif depuis de nombreuses années dans le bâtiment. «Comme les autorités ne peuvent intervenir que dans le cadre de travaux ayant nécessité un permis de bâtir, cela crée un flou juridique dans lequel beaucoup s'engouffrent.» Un flou qui rendrait possible la contamination de nombreux logements lors de travaux aussi banals qu'une rénovation cosmétique ou l'installation d'équipements divers. La vague de rénovations en cours signifierait donc que des milliers de personnes sont, à leur insu, en danger. Ce témoignage, Jean aurait préféré ne pas le faire. S'il a décidé de parler, c'est pour tirer la sonnette d'alarme et éviter ainsi que certaines scènes choquantes ne se poursuivent.

Agir et vite

De grandes sociétés helvétiques seraient ainsi directement impliquées dans des rapports amiante bidonnés afin de ne pas avoir à effectuer les travaux nécessaires. Il y a peu, la SUVA, assurance-accidents au degré d'expertise élevé, rappelait que si, en 2011, 119 personnes avaient perdu la vie dans des accidents de voitures en Suisse, l'amiante en avait causé presque autant dans le même laps de temps. Pour Edgar Käslin, chef de son secteur chimique, le problème n'est pas réglé: «De nouvelles expositions à l'amiante existent, car on trouve encore souvent de l'amiante dans les ouvrages construits avant 1990.»Les chiffres sont du reste éloquents: depuis 1939, date du premier cas de maladie professionnelle due à l'amiante qui a été reconnu, 1 594 personnes (cas pris en compte jusqu'au 31.12.2011) sont décédées des suites d'une maladie due à l'amiante. La Suva a versé environ 690 millions de francs de prestations d'assurance à ce titre. Et aujourd'hui encore, une centaine de travailleurs décèdent chaque année des suites d'une exposition à l'amiante subie plusieurs années auparavant.

Les locataires aussi

Les locataires sont aussi exposés que les travailleurs. Jean déplore cet état de fait. «Malheureusement au contraire des travailleurs de la construction, les locataires n'ont, semble-t-il, que très peu de moyens d'action si propriétaires, gérances et entrepreneurs de travaux ne respectent pas la réglementation. Si les travaux ne nécessitent pas de permis de bâtir, les autorités sanitaires en principe n'interviennent pas lors d'une dénonciation. On peut toutefois leur écrire en espérant que le courrier suscite de l'intérêt. Le scandale de l'amiante continue et sans vergogne!»

(*) Nom connu de la rédaction

A qui la faute?

Pour Yves Golay, chef de la Division Architecture et Ingénierie du canton de Vaud, et responsable du dossier Amiante, la situation n'est pas idéale: «Il y a toujours des gens qui essaient de contourner la loi, c'est dans la nature humaine. Il y a des cas problématiques, c'est vrai, mais ceci est du ressort des communes. Ces dernières sont sensées effectuer des contrôles réguliers.» Christophe Estermann, responsable de la sécurité au travail pour la Société Suisse des Entrepreneurs, va encore plus loin dans son état des lieux et nuance le rôle dissuasif des contrôles communaux: «Le marché du désamiantage n'est pas encore mûr. De plus, il faut que les propriétaires soient conscients qu'ils ont des responsabilités, ils ne doivent pas penser qu'à l'argent. Les communes sensées surveiller le bon déroulement des rapports amiante manquent parfois de données techniques. C'est toujours le problème quand un nouveau marché s'ouvre, on trouve de tout. Des gens scrupuleux et d'autres moins...» Le problème est que dans un dossier aussi sensible et aux risques sanitaires évidents, le manque de scrupules peut coûter des vies. Il faut donc, au plus vite, que les responsables communaux soient formés pour lutter contre la malhonnêteté de certains propriétaires...