Pas si morbide, le nécrotourisme a ses adeptes

VOYAGE ATYPIQUE - Les voyageurs sont de plus en plus attirés vers les cimetières, souvent insolites. Tour d’horizon à l’occasion de la Toussaint et de la fête des morts.

  • A Paris, la tombe d’Edith Piaf fait l’objet d’une dévotion permanente.

    A Paris, la tombe d’Edith Piaf fait l’objet d’une dévotion permanente.

«Voilà, on l’a trouvée!» Linda saisit un kleenex et s’éponge le visage. Une larme, peut-être de la sueur: il fait 39 degrés au cimetière militaire de Kanchanaburi, à environ 126 km de Bangkok, là où les Japonais avaient forcé l’édification du légendaire pont de la rivière Kwaï.

La vieille dame et son compagnon se sont arrêtés devant une pierre tombale qu’ils viennent d’identifier. «C’est mon frère aîné Charles-Edward. Nous nous sommes toujours dit que nous viendrions un jour nous recueillir sur sa tombe.»

Récupéré par le tourisme, jouxtant la jungle, le site dramatique de la rivière Kwaï revêt aujourd’hui des allures de camp de vacances. On y vient aussi pour s’acheter des pacotilles dans les boutiques alentour ou pour profiter des guest houses très avantageuses installées au bord de l’eau.

Jardins du souvenir

Si les tombes souterraines de la Vallée des rois ou les catacombes romaines fascinent par leur intérêt esthétique et archéologique, certaines sépultures contemporaines sont devenues hautement instagrammables. D’Elvis aux Kennedy, les tombes de stars séduisent les amateurs de selfies, entre autres au Père-Lachaise, populaire attraction parisienne (lire encadré). On y traque les stèles de Molière, La Fontaine ou Chopin… mais aussi celle d’un Jim Morrison encore plus sulfureux mort que vivant. Il y a aussi les cimetières auxquels les conditions naturelles locales n’autorisent pas l’inhumation traditionnelle. Le fait que la terre soit trop chaude ou trop froide impose aux habitants de zones géothermiques comme à ceux de la banquise les mêmes aménagements hors sol. Le village néozélandais de Whakarewarewa est bâti sur une mince croûte de silice, tel un couvercle fragile sur une marmite en ébullition. Même contrainte – mais par température opposée – dans la froidure groenlandaise.

A Qeqertarsuaq, les sépultures sont alignées à même le pergélisol, sous des monceaux de fleurs artificielles.

Tourisme de niche

Pour notre compatriote Sarah Balimann, signataire d’une thèse sur le nécrotourisme, il ne faut pas occulter d’autres motivations: «Les visiteurs peuvent être séduits par l’art romantique – certains monuments du Père-Lachaise sont signés Bartholdi, Bartholomé, Chapu – ou par la fraîcheur d’un écrin de verdure. La tendance des voyages originaux et personnalisés encourage ce marché marginal, visant les amateurs de destinations insolites ou de nouvelles sensations.

Nécrotourisme en pratique

Proche de nous, Paris est une destination propice au nécrotourisme. La capitale compte au total 14 cimetières sur d’importantes surfaces (de 11 à 44 hectares pour les trois plus grands). Arborés et fleuris, ils sont aussi les témoins paisibles de l’incroyable vie culturelle de la ville Lumière. Il existe de très nombreuses liaisons ferroviaires quotidiennes au départ de la Suisse romande.

www.tgv-lyria.com

Le terme de «catacombe» est impropre à Paris. Ses souterrains n’ont jamais servi de sépulture directe. Ils n’ont pas non plus de caractère sacré. L’Ossuaire municipal – sans doute le plus grand du monde – ne date «que» de la fin du XVIIIe siècle, lorsque de grands problèmes de salubrité imposent un transfert hygiénique du contenu des cimetières. Les autorités choisissent alors un site facile d’accès: d’anciennes carrières creusées sous la plaine de Montrouge.

www.catacombes.paris.fr

«Paris-cimetières», de Edward Falip Editions Wentworth Press