Voilà qui pourrait rapporter un saladier

COUPE DAVIS • La Suisse, emmenée par son exceptionnel duo Federer-Wawrinka, aura l’occasion de s’adjuger, fin novembre en France, la première Coupe Davis de son histoire. Pas une mince affaire...

Il y a ceux qui transforment le plomb en or voire l’eau en vin, au gré de l’humeur et des besoins - parfois, en cas d’extrême urgence, la mer se retire. Et puis il y a deux types qui, avec une paire de baskets et une raquette pour seuls accessoires, peuvent sur la base d’un triste hangar (la halle 6 de Palexpo) fabriquer le théâtre d’un rêve qui longtemps parut parfaitement fou. Roger Federer et Stan Wawrinka, divins alchimistes de la baballe jaune, ont rendu l’impensable fantasme possible: offrir une Coupe Davis à la Suisse.

Une hystérie collective

Les murs en tremblent encore, car la marée rouge à croix blanche des supporters en transe a déferlé sec le week-end dernier, le temps d’une liesse pas si éloignée de l’hystérie collective. Car oui, la Coupe Davis, malgré ses atours désuets et sa malheureuse propension à ne plus toujours séduire les sponsors donc les champions, a le pouvoir de rendre fou.

Même Roger Federer, incarnation immaculée de la maîtrise et adepte forcené du droit chemin, paraît prêt à toutes les dérives: «Comme on joue en équipe, on peut faire un peu les cons», s’est-il esclaffé dimanche soir avant d’aller vider quelques godets avec les potes. A 33 ans - l’âge de qui on sait -, le Bâlois, incité par la récente explosion de Wawrinka, a daigné mettre entre parenthèses ses intérêts personnels au service d’une quête commune.

Voilà la quintessence à la fois contre-nature et fascinante de la Coupe Davis: elle transforme le tennisman, compétiteur individualiste par excellence, en membre d’une équipe. On doit l’idée à Dwight Davis, né dans le Missouri le 5 juillet 1879, étudiant à Harvard. Avant de devenir Secrétaire à la Guerre (1925-29) puis Gouverneur des Philippines, l’Américain fut l’un des meilleurs manieurs de raquette sur la planète. Son projet prend vie en 1900, sous la forme d’un duel entre Etats-Unis et Grande-Bretagne. Dans les années 1920, l’épreuve prend un nouvel envol en ouvrant ses portes - comme le disait le slogan de l’époque - à «toutes les nations civilisées d’Orient et d’Occident».

La fibre patriotique

Depuis, l’histoire fait son boulot sans ménager sa peine, ni le cœur des foules. Car au-delà de l’admiration portée aux génies du court, le public trouve là de quoi titiller allègrement sa fibre patriotique. Au fil des ans, l’hégémonie britannico-US fait place à l’adversité. Mousquetaires français, kangourous australiens et autres vikings suédois aux nerfs d’acier écrivent quelques chapitres dorés. La démocratisation du jeu, alliée à la diversification des surfaces, continue à brasser les cartes et densifier le plateau - plus de 130 nations ont participé cette année à la Coupe Davis. Il ne reste plus que deux nations en course, dont la Suisse qui, portée par son exceptionnel duo, affrontera la France en finale du 21 au 23 novembre. C’est à Lille, sauf surprise, dans un stade de foot reconfiguré et couvert, devant 25 000 spectateurs et face à une formation tricolore redoutable de talent et de cohésion, que les deux solistes helvétiques tenteront d’écrire l’histoire, vingt-deux ans après la finale perdue par Marc Rosset et Jakob Hlasek au Texas.

Un petit quart de siècle plus tard, le train passe à nouveau, bourré d’espoir. Car le binôme «Fedrinka», qui devra ne faire qu’un, a les armes pour aller au bout de l’exploit. Et si la Suisse soulève le fameux Saladier d’argent, l’eau se transformera, sinon en vin, tout du moins en bière dans les estaminets lillois.