Stan Wawrinka et les cercles vicieux

CHRONIQUE • Le Vaudois a beau être no4 mondial au crépuscule de sa plus belle année, le voilà qui nage en plein doute. Paradoxe sur pattes, il a deux semaines pour retrouver la clé de son jeu.

  •  Stan Wawrinka. DR

    Stan Wawrinka. DR

«Prenez un cercle, caressez-le, il deviendra vicieux.» On aurait tout aussi bien pu recycler du Freud ou du Kafka, vu la gravité de la situation. Mais citer Eugène Ionesco, prince de l’absurde et du rire qui s’étrangle, c’est finalement une façon moins pesante de poser des maux sur les états de service actuels de Stan Wawrinka. Car si la cantatrice est chauve, le ténor vaudois, depuis cet été, peine à retrouver sa voie. «Mon jeu est en place à l’entraînement. Je ne panique pas.»

Chercher la clé

D’autres le font à sa place: dans deux semaines, il y a la finale de Coupe Davis France-Suisse à Lille, un rendez-vous pour l’éternité. Et voilà que «Stan the Man», voire «Stanimal» comme il fut surnommé après son phénoménal triomphe à l’Open d’Australie, broie du souci, apparemment enfermé dans un cercle vicieux: pour gagner, il a besoin de confiance et pour avoir confiance, il doit gagner. Il ne l’a plus fait deux fois de suite depuis début septembre.

Juste avant Lille, il y a le Masters, à Londres, ce rendez-vous des huit «Maîtres» auquel Wawrinka accède pour la deuxième fois consécutive et où il affrontera en poule Novak Djokovic (no1 mondial), Tomas Berdych (7) et Marin Cilic (9). Trois gros bras pour se rebooster la pompe. Wawrinka, quatrième raquette au monde selon l’ordinateur, semble chercher la clé. On le dit, on le répète, tout vire si vite sur la planète sport. La consécration aux Antipodes, les lauriers sur la tête et les contrats qui pleuvent, c’était fin janvier. Un semestre plus tard, même si l’intéressé réfute l’idée d’une crise, ça ne tourne pas rond.

Le creux du sommet

Dédale et Sisyphe réunis sous un même crâne: «Je me bats avec moi-même plus qu’avec l’adversaire, tout simplement. Ce sont des choses que je connais, que j’ai déjà vécues et que je vivrai encore», expliquait Wawrinka voici deux semaines à Bâle, un triste sourire en bandoulière après sa troisième défaite consécutive au 1er tour. Entretemps, Wawrinka a renoué avec un succès fugace à Bercy, face au jeune Autrichien Dominic Thiem... pour mieux rechuter le lendemain face au cogneur sud-africain Kevin Anderson.

Et soudain, l’impossible frappe: les gazettes et tous les bistros du coin s’inquiètent pour un type qui occupe le meilleur classement de sa carrière, au terme de la saison la plus aboutie de son existence. Il y a peu, monstre de talent et de concentration, le super-héros faisait craquer son t-shirt au moment voulu - et les foules avec. Le voilà penaud, à devoir justifier ses revers boisés. On appelle ça le creux du sommet, ou quand l’ivresse des cimes rime avec le blues des profondeurs.

Sortir du trou

Stan Wawrinka, qui a écourté son prénom à mesure qu’il allongeait son palmarès, a tellement sué, bûché, souffert pour se dépasser, pour tirer le meilleur de lui-même, qu’il ne supporte plus de se voir un cran au-dessous. Il a touché le Graal et a voulu en faire sa coupe au quotidien. Alors au moindre grain de sable, le nectar tourne. La frustration s’installe et la mécanique se dérègle. «Vous pouvez tous faire votre analyse du pourquoi et du comment, a invité le Vaudois en conférence de presse, au soir de sa défaite aux Swiss Indoors. Je ne m’inquiète pas pour la fin de saison, je ne m’inquiète pas pour la finale de la Coupe Davis - si c’est ce que vous voulez savoir.»

Et oui, c’est ce que la meute médiatique voulait savoir. C’est ce que tout le monde continuera à se demander jusqu’au 21 novembre. L’adversaire français, les 27’000 spectateurs de Lille, Roger Federer, la Suisse entière et l’Hexagone avec voudront savoir. «Stan the Man» peut-il se sortir du trou juste au bon moment? Quand on est aussi fort, on a de quoi briser un cercle, si vicieux soit-il.