Timea Bacsinszky et autres réjouissances

CHRONIQUE • A 25 ans, la Vaudoise reste dans l’ombre de Federer ou Wawrinka à l’heure d’aborder l’Open d’Australie. Mais son parcours, son histoire font chaud au cœur.

  • Timea Bacsinszky, une volonté de fer. DR

    Timea Bacsinszky, une volonté de fer. DR

«Nous avons un sol doré et de la richesse pour le labeur. Notre pays est ceint par la mer. Notre terre abonde des présents de la nature, d’une beauté rare et opulente (...) Pour ceux venus d’outre-mer, nous avons des plaines sans bornes à partager.»

D’accord, un peu longuette voire pompeusement déplacée cette introduction. Mais ça fait chaud au cœur de se repasser les bribes amènes d’un hymne national qui, contrairement à tant d’autres, n’exhorte pas à ratiboiser l’ennemi après lui avoir mangé le foie. «Des plaines sans bornes à partager»... Pas beau comme message?

Si, et ça tombe bien parce que l’Australie, c’est la terre qui tend les bras à la joyeuse bande du tennis suisse: dès lundi sur les courts de Melbourne, Roger Federer & co s’attaquent à la première levée du Grand Chelem. Le Roi Soleil a déjà appareillé en ex-Nouvelle-Galles du Sud puisque la semaine dernière, il remportait - outre son 1000e match - le tournoi de Brisbane. Le Bâlois rêve mordicus de reprendre «son» trône à Novak Djokovic. Second aux dents longues, Stan Wawrinka débarque lui aussi le vent en poupe car il vient de coiffer une troisième couronne à Chennai (ex-Madras).

Deux titres

Deux titres pour la Suisse en un week-end; et même trois grâce à Martina Hingis, qui traverse une quatrième jeunesse et s’est imposée en double (à Brisbane aussi). La Saint-Galloise, qui par ailleurs co-couve avec sa mère le très prometteur espoir Belinda Bencic, abordera donc l’Open d’Australie avec de réelles ambitions, elle qui y a fêté trois titres en simple et quatre en double.

Bref, des «plaines sans bornes à partager» et pas mal de prétendants au portillon. Quoi, on a oublié quelqu’un? Oui, Timea Bacsinszky. C’était fait exprès. Parce qu’au-delà des réjouissances susmentionnées, le plus joli conte potentiel de cette année 2015, c’est elle. Elle qui revient de nulle part, elle qui avait décidé, en 2013, de lâcher sa raquette pour entamer une formation dans l’hôtellerie.

La semaine passée, confirmant son retour et histoire de (presque) se mettre au diapason de ses compatriotes, elle a atteint la finale à Shenzhen. Lundi matin, la Vaudoise figurait au 38e rang de la hiérarchie mondiale, soit une place derrière son sommet personnel, qui remonte à juin 2010; une autre vie.

La différence, c’est qu’à l’époque, sans le savoir encore, la jeune fille plafonnait dans son tennis parce qu’il y avait surchauffe par ailleurs. Vite présentée comme la «nouvelle Hingis» sous prétexte qu’elle avait remporté le tournoi des Petis As à 12 ans, Timea Bacsinszky a ployé sous le poids. Son pied gauche l’a fait souffrir - deux opérations en 2011. Et puis le doute, le ras-le-bol pour ne pas écrire plus. Sur l’autre pied, le droit, un tatouage rappelle l’essentiel en italien: «Il y a toujours le ciel bleu derrière les nuages.»

Des blessures à digérer

Timea Bacsinszky aura 26 ans en juin prochain, sans qu’on sache s’il faut associer à cet âge un «déjà» ou un «seulement». Elle a surmonté bien des blessures, dénoué quelques sacs de nœuds, digéré deux divorces: celui de ses parents puis le sien, consommé avec son père et coach. «J’ai eu besoin de temps pour guérir des blessures de mon enfance. Je me suis posé des questions que j’évitais jusque-là. Cela m’a permis de me reconstruire, ou plutôt de me trouver», confiait-elle le printemps dernier dans 24 heures, à l’aube de sa renaissance.

Repartie du 285e rang mondial début 2014, sous la houlette de son nouvel entraîneur Dimitri Zavialoff (celui qui a forgé Wawrinka), Timea Bacsinszky trace désormais sa route. A l’horizon se dessinent des «plaines sans bornes à partager».