Une petite Coupe à glisser sous le sapin

  • Le stade Al-Gharafa aura une capacité de 44’740 personnes. Sa façade sera composée de rubans représentant les nations qui seront qualifiées en 2022. dr

    Le stade Al-Gharafa aura une capacité de 44’740 personnes. Sa façade sera composée de rubans représentant les nations qui seront qualifiées en 2022. dr

Avant toute chose, poussons un cri - parce qu’il faut expulser les frustrations au moins autant que les auteurs de vilains tacles par derrière et autres coups de coude dans le dos de l’arbitre. Un cri, une rauque gueulante pour exprimer une petite rage contre les bureaucrates éclairés du ballon; et une grande solidarité envers l’AGSFJ (Amicale des grilleurs de saucisses et sardines au fond du jardin), injustement frappée par un manque à gagner qui s’annonce abyssal. 
Car on n’y coupera pas, en dépit des véhémentes protestations du pourtant très influent lobby des vendeurs de chipolatas: la Coupe du monde 2022 aura bien lieu en hiver, puisque l’été qatari cogne à faire fondre un footballeur sans matière grasse.

Une idée dans l’air

Depuis la désignation du petit émirat sablonneux, le 2 décembre 2010 à Zurich, l’idée, ou plutôt la nécessité, était dans l’air. La semaine passée à Doha, donc au cœur de l’hiver parce que l’été il fait trop chaud pour réfléchir, un groupe de travail a planché sec avant de confirmer l’évidence. La «task-force», placée sous la sérénissime houlette du Sheikh - dont l’histoire ne précise pas s’il était en blanc - du Bahrein Salman bin Ebrahim Al-Khalifa, par ailleurs président de la Confédération asiatique de football, a retenu la période fin novembre-fin décembre.

Sympa: après une première phase de tournoi à la raclette, on pourra se fendre d’une bûche le soir de la finale, à l’heure des penalties. Et une Coupe plaqué or sous le sapin, une! Le Comité exécutif de la FIFA entérinera tout ça dans la nuit du 19 au 20 mars prochain, à Zurich. Sepp Blatter, timonier absolu, avait évoqué une apothéose pour le 23 décembre. Puis il a précisé qu’il faudrait solder l’affaire au plus tard le 18. Son souci? Dès le 26, il y a le «Boxing Day» en Angleterre, jour où le championnat le plus riche du monde s’affole depuis des lustres. Or, il faut respecter les traditions.

On se pince. Dossier clos, fin des palabres? Pas complètement. Si le Comité international olympique et la grande famille des sports d’hiver se félicitent de ne pas voir leurs plates-bandes parfaitement piétinées (il y aura des JO en février 2022), d’autres voix continuent à grincer. 

La FIFA commande

On a, dans l’ordre, les hauts représentants des puissants clubs européens, dont les salariés représentent environ les trois quarts de la main d’œuvre en short sur un Mondial. Pendant six semaines, les championnats seront suspendus, avec des centaines de joueurs au chômage technique et des grilles télé chamboulées. Jérôme Valcke, secrétaire général de la FIFA, a par-dessus le marché prévenu qu’aucune compensation financière ne serait envisagée - ça fâche.

Mais bien au-delà du Dieu pétrodollar, des contestations d’ordre plus philosophique s’élèvent encore. Voici un mois, le Conseil de l’Europe a «exigé» de la FIFA qu’elle procède à un nouveau vote concernant ce sulfureux Mondial, le processus d’attribution étant jugé «profondément entaché d’illégalité», «radicalement vicié». Avis aux grands naïfs: on n’exige rien de la FIFA. C’est elle qui commande, un point c’est tout. 

N’en déplaise aux amoureux du barbecue, les écrans géants seront déployés à l’intérieur. Qu’importe, au fond: un Mondial en été, c’est pas plus grave que Carnaval au mois d’août - pourquoi personne n’y a-t-il jamais songé? D’ailleurs le mois de décembre, pour tout un hémisphère, tombe en plein été.