Arno Del Curto, un homme au cœur de l’action

CHRONIQUE • Oiseau haut en couleurs, à la lutte pour décrocher un 6e titre national avec le HC Davos, le coach grison incarne comme personne l’image de l’entraîneur ravagé, obsédé par sa tâche - et à la fois si humain.

  • Le HC Davos, une équipe solide avec un coach qui ne l'est pas moins. DR

    Le HC Davos, une équipe solide avec un coach qui ne l'est pas moins. DR

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    Le HC Davos, une équipe solide avec un coach qui ne l'est pas moins. DR

Choisir la destination et souquer ferme. Tenir la barre et ramer sec. Garder le cap et pagayer dru. Essuyer les tempêtes, amadouer les grains, dribbler les containers. Aller de l’avant, contre vents et marées. Voilà ce que fait depuis une quinzaine de jours Fabio Celestini à la tête du Lausanne-Sport. Voilà ce que réalise Arno Del Curto depuis dix-neuf ans avec le HC Davos. Voilà ce que fabriquent tous les coaches du monde. Mais pour braver l’océan des possibles, il faut un vrai capitaine. Un qui gère la baraque.

Incarner un projet

Le jeune entraîneur vaudois vient de remporter ses deux premiers matches (une première pour le LS cette saison!). Le vieux loup grison chasse ces jours son sixième titre de champion national, après ceux fêtés à Davos en 2002, 2005, 2007, 2009 et 2011 - l’énumération est certes fastidieuse, mais indispensable pour prendre la mesure de l’œuvre.

Incarner un «projet» sur la durée, pour reprendre un terme cher à Hugh Quennec qui peine tant à mettre le sien en place au Stade de Genève, ça n’est pas simple - il faut du coffre et du bagout. Le mener à bien, c’est encore plus dur - il faut du cerveau, du talent. Arno Del Curto possède tout ça, le cœur en plus. Un cœur immense, qui jamais ne cesse de pulser et qui, entre vagues d’amour et accès de colère, détonne grave dans le PSH (Panorama sportif helvétique).

Regardez-le jeudi, messieurs, pour l’acte IV de la finale contre les Lions de Zurich, si vous arrivez à imposer le puck à la télé un soir de semaine. Regardez-le samedi soir, mesdames, lors de l’acte V. Laissez-vous surprendre, vous verrez, cet homme est fascinant. Harry Potter quarante-cinq ans plus tard (il en a 58), qui joue les chefs d’orchestre avec ces manieurs de crosses qu’il parvient si bien à sublimer. Tyran et bon pote, potache et rebelle, moitié volcan moitié clown. Toujours acteur, histoire de ne pas se laisser faire par les autres. Au cœur de l’action.

Tenir la barre, garder le cap. Arno Del Curto ne fait que ça, quand il ne prépare pas un match, ne boucle pas un transfert, ne passe pas une bordée à un mercenaire en panne ou ne recueille pas à la maison l’un de ses joueurs fraîchement largué par sa douce. Dans la vie, un cœur en or. A la patinoire, une main de feu dans un gant de fer. La tempête, c’est lui. Le grain, il en a un. Et par bonheur, la discipline quasi militaire que le maestro inflige à ses ouailles débouche sur un jeu fait d’audace, de vitesse et de mouvement. Quand le général est aussi un esthète, ça ne fait pas de mal.

Un savant mélange

Arno Del Curto, un comme on n’en fait plus beaucoup. Une tronche, un personnage qui peut parler aussi bien Beethoven que Rage against the Machine, bière en pogne dans son vestiaire. Ce type-là, en plus d’amasser les lauriers, c’est un vrai bonhomme. Un mélange entre Georges-André Carrel, éternel magicien du sport vaudois en passe de réaliser un nouveau tour avec les volleyeurs du LUC; et Christian Constantin, président despotique du FC Sion et déménageur sans doute plus sensible qu’il n’y paraît: «Je veux aller au cœur des gens. Le cœur agira sur le cerveau, qui agira sur les tripes», résumait-il l’autre jour quand on lui demandait sa recette pour motiver une équipe avant une demi-finale de Coupe.

Cœur, cerveau, tripes - si même Constantin le dit. De cette succulente et on ne peut plus équilibrée salade d’abats découlent la sueur de l’individu et le miel du collectif bref, l’essence du sport. Et c’est pour ça que le moteur d’Arno Del Curto ne cesse jamais de turbiner. Pour ça, aussi, qu’on a un bon sentiment concernant le mandat de Fabio Celestini au Lausanne-Sport.