Le coachus helvéticus, une espèce malmenée

CHRONIQUE • Suite à un début de saison agité, il n’y a plus que trois entraîneurs suisses parmi l’élite du foot national. De quoi s’interroger sur l’avenir de la profession?

  • Ciriaco Sforza, évincé du FC Thoune. DR

    Ciriaco Sforza, évincé du FC Thoune. DR

Mettons-nous d’accord tout de suite: on ne va pas chialer sur le sort de ces types qui s’enrichissent - plus ou moins - en expliquant à d’autres types, qui gagnent plus qu’eux, comment foutre le ballon dans le filet adverse et éviter que l’inverse ne se produise trop souvent. Bref, malgré le nombre croissant de leurs responsabilités, les entraîneurs de foot ne sont pas les plus à plaindre sur la planète.

Des destins fragiles

Pourtant, un œil jeté sur les récents soubresauts de la Super League confirme à quel point leur destin peut s’avérer fragile. Quatre coaches dans la sciure en quelques semaines: dans l’ordre, Zurich a shooté Urs Meier, Young Boys viré Uli Forte, Saint-Gall remercié Jeff Saibene et Thoune éconduit Ciriaco Sforza. Quatre «limogeages» après moins de trois mois de compétition, sachant qu’il y a dix clubs en 1re division suisse, cela donne du 40% à la trappe - et la saison est encore longue.

Constat au cœur du phénomène: la vie est rude pour le coachus helvéticus. Trois des quatre têtes tombées (Meier, Forte et Sforza) possèdent en effet le passeport rouge à croix blanche. Dans les trois cas, en admettant comme il est pressenti que le dernier nommé soit relayé par Saibene, le Confédéré a été remplacé par un technicien étranger. A l’issue de cette lessive intermédiaire, on ne compte plus que trois Suisses en poste parmi l’élite nationale: Urs Fischer à Bâle, Pierluigi Tami à Grasshopper et Giorgio Contini à... Vaduz.

Exit les Suisses

Pour compenser ce manque de confiance en l’autochtone, corollaire inévitable, on mise sur des gens venus d’ailleurs. La Super League abrite ainsi deux Allemands (Markus Babbel à Lucerne et Joe Zinnbauer à Saint-Gall), un Finlandais (Sami Hyypiä à Zurich), un Autrichien (Adi Hütter à Young Boys), un Français (Didier Tholot à Sion), un Italo-Tchèque (Zdenek Zeman à Lugano) et, donc, un Luxembourgeois (Saibene attendu à Thoune). Un peu comme si c’était la fin du «produit maison».

Le métissage est l’une des plus belles choses qui soit et il y a toujours à apprendre de «l’autre». Demeure cette question: qu’adviendra-t-il, sans même parler des velléités futures, des entraîneurs suisses qui cherchent à faire carrière?

Certains, enfin trois, ont déjà trouvé la réponse: triompher à l’étranger. Lucien Favre, même s’il vient de démissionner au Borussia Mönchengladbach, Martin Schmid, devenu coach de Mayence en Bundesliga en février passé, et Marcel Koller, quasiment élu empereur d’Autriche parce qu’il l’a qualifiée pour l’Euro 2016, n’ont pas trop de mouron à se faire pour leur avenir. Mais quid des autres?

L’antichambre

Il reste bien sûr la Challenge League, antichambre de l’élite qui porte bien son nom, où les ex-joueurs essaient de lancer ou relancer une carrière sur banc (Marco Schällibaum à Chiasso, Martin Rueda avec Wohlen, Fabio Celestini au Lausanne-Sport ou Maurizio Jacobacci à Schaffhouse).

Pour s’extirper de cette jungle où les lendemains déchantent si vite, il existe une planque de salut: bosser pour les sélections juniors de l’ASF (Association suisse de football). Mais les postes sont rares, d’ailleurs Yves Débonnaire et Claude Ryf y œuvrent depuis plus de dix ans. Ultime solution: l’exil exotique, comme Michel Decastel en son temps (Tunisie, Côte d’Ivoire, etc.), Christian Gross plus récemment (Qatar, Arabie Saoudite) ou Pierre-André Schürmann présentement (Algérie).

Et puis il y a Marc Duvillard, ex-entraîneur de Lugano et Lausanne qui, après avoir quitté la Suisse pour le Zimbabwe en 1995 avec sa famille, a choisi de tourner le dos au professionnalisme afin de créer un centre footballistico-social à Harare. On se demande parfois si ce n’est pas lui, le plus heureux des entraîneurs suisses.