Vigie-Gonin: l’étrange combat des Verts lausannois

  • Les Verts lausannois demandent au Conseil municipal l’abandon de la construction de la rampe Vigie-Gonin.
  • Leur objectif: sauver la forêt du Flon, d’une «valeur écologique inestimable». 
  • Décryptage d’une stratégie aussi tardive que paradoxale.  

  • VERISSIMO

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  • La rampe Vigie-Gonin telle qu’elle devrait être réalisée. PHOTOMONTAGE: Vaud.ch

    La rampe Vigie-Gonin telle qu’elle devrait être réalisée. PHOTOMONTAGE: Vaud.ch

«Le changement de Municipalité nous donne beaucoup d’espoir»

Léonore Porchet, présidente des Verts lausannois

Mais quelle mouche a donc piqué les Verts? En mai dernier, le parti lausannois déposait deux postulats au conseil communal - traités cet automne - demandant de renoncer à la construction de la rampe Vigie-Gonin, un nouvel axe routier prévu dans le cadre de la mise en place du tram Flon-Renens. Une «aberration écologique» selon eux, car la rampe implique la destruction de la forêt du Flon, dont la «valeur écologique est incontestable.»

Seulement voilà, ce sursaut écologique arrive bien tard, sans compter qu’il tape à côté de la plaque. «Nous n’avons plus la moindre compétence s’agissant de la procédure de permis de construire du tram t1 et de la rampe Vigie-Gonin qui en fait partie, explique le syndic de Lausanne, Grégoire Junod. C’est en effet le Canton qui conduit cette procédure et qui porte le permis de construire. Sans compter que sur le fond, une remise en cause à ce stade de la rampe Vigie-Gonin impliquerait de stopper le projet de tram. Il faudrait alors faire un nouveau projet, avec à la clé de nombreuses années de retard».

Un projet de plus de 10 ans

Petit flash-back sur l’affaire. Le projet du tram Flon-Renens remonte à il y a plus de 10 ans, esquissé dès 2005 et déposé auprès de la Confédération en 2007 dans le cadre d’un projet d’agglomération piloté par le Canton de Vaud et contresigné par la Municipalité de Lausanne.

La mise à l’enquête se fait en 2012 à la fin de la précédente législature, et prévoyait la mise en place du tram sur la rue de Genève, la fermeture de deux axes actuellement consacrés aux automobiles et compensés par l’édification et l’ouverture de la rampe Vigie-Gonin.

Recours au TAF

En outre, la répartition du financement du projet est claire: le Canton assume la très grande majorité de l’investissement du tram, à hauteur de 400 millions, votés par le Grand Conseil, une somme qui comprend également l’aménagement de la rampe. Les communes quant à elles assurent le financement des aménagements annexes au tram (arrêts de bus, etc.) et la future ligne de bus à haut niveau de service. En clair, la question de la rampe Vigie-Gonin échappe bel et bien à la Municipalité de Lausanne. À l’heure actuelle, le permis a été octroyé par l’Office fédéral des transports en début d’année, mais fait actuellement l’objet d’un recours au tribunal administratif fédéral (TAF).

En clair, sauf invalidation par le TAF, le projet est complètement verrouillé, et la forêt du Flon dans tous les cas, condamnée, même si elle sera replantée ailleurs. Car non seulement la Municipalité n’est plus partie prenante, mais en plus on voit mal le Conseil d’État remettre en cause l’équilibre délicat d’un projet accepté à l’unanimité par le Grand Conseil, sans ouvrir une nouvelle et interminable guerre de tranchées.

Nouvel Municipalité

Alors comment expliquer qu’aujourd’hui les Verts remettent la compresse sur la question de la forêt du Flon, alors même que leur parti comptait et compte toujours d’éminents représentants, à la Municipalité de Lausanne, au Conseil d’État et dans les législatifs respectifs?

«Le changement de Municipalité, avec désormais une socialiste en charge de la mobilité, qui plus est ancienne responsable des espaces verts, nous a donné beaucoup d’espoir, explique Léonore Porchet, présidente des Verts lausannois. Car Olivier Français avait fait preuve de beaucoup de fermeture sur cette question. Malheureusement, je constate que le syndic Grégoire Junod adopte aujourd’hui la même posture que Daniel Brélaz en son temps, en invoquant le risque de remise en question du projet du tram. Je reste pourtant convaincue que si Lausanne le voulait, elle pourrait remettre la rampe en discussion sans mettre le tram en danger ».

«Soit les Verts ne savent pas ce qu’ils font, en tentant d’agir sur la Municipalité, soit leur démarche n’est qu’une manœuvre politique, une sorte de baroud d’honneur pour montrer à leurs troupes qu’ils font quelque chose, conclut, goguenard, un élu qui souhaite garder l’anonymat. En réalité, sauf un recours accepté par le Tribunal fédéral, l’affaire est largement pliée ».

Une pétition de près de 70000 sigantures

Les Verts ne sont pas les seuls à la manœuvre pour remettre en question la construction de la rampe Vigie-Gonin. L’association des acteurs économiques et sociaux du Flon a en effet initié une pétition visant à convaincre les pouvoirs publics de faire machine arrière. À sa tête Guillaume Morand, déjà à l’origine d’une première pétition en 2012.Cette deuxième récolte de paraphes, intitulée «Sauvons la forêt du Flon. Rampe Vigie-Gonin, non merci» et en partie effectuée sur internet, atteint déjà près de 7000 signatures qui, selon son initiateur, montre «un réel engouement populaire». Destinataires: la Municipalité de Lausanne, l’Office fédéral des routes et le Conseil d’État via le Grand Conseil. «Le Grand Conseil a accepté à l’unanimité en juin dernier l’exposé des motifs et les décrets permettant de construire le tram et de mettre en place les mesures d’accompagnement pour permettre son arrivée, au rang desquelles figure la rampe Vigie-Gonin, explique Mehdi-Stéphane Prin, délégué à la communication du Département des infrastructures et des ressources humaines. Le Conseil mettra en œuvre la volonté du législatif dès que le permis de construire entrera en force. Le retour du tram, qui a fait l’objet de plusieurs compromis, suscite un très large soutien des milieux politiques et économiques. Aucun référendum n’a d’ailleurs été lancé après le vote unanime du Grand Conseil.»