Étudiants précarisés: la galère au quotidien

  • 3 à 5% des étudiants de l’UNIL s’adressent au service d’aide sociale.  dr

    3 à 5% des étudiants de l’UNIL s’adressent au service d’aide sociale. dr

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«Le système fait peser la charge sur les familles et ne tient pas compte de la réalité d’aujourd’hui»

Arthur Auderset, syndicat SUD

«J’arrive tout juste à payer mon loyer de 400 francs par mois et mes factures avec le revenu non exorbitant de mon emploi actuel qui s’élève à 800 francs par mois, me laissant à peine de quoi manger et finir le mois. Par conséquent, je suis constamment dans un état de stress et d’incertitude qui m’empêche de me concentrer entièrement à mes études universitaires, qui comptent 34 crédits ce semestre». Parvenu la semaine passée à notre rédaction, ce témoignage d’une étudiante lausannoise, qui s’insurge contre les retards dans le traitement des dossiers et le versement des bourses d’études, jette une lumière crue sur une réalité sociale méconnue: la situation d’extrême précarité dans laquelle se trouvent de nombreux étudiants et qui explique d’ailleurs l’extrême mobilisation dont leurs associations et syndicats font preuve ces jours-ci.

Combien sont-ils exactement à tirer le diable par la queue et éprouver de grandes difficutlés à joindre les deux bouts? Nul ne le sait exactement car il n’y a pas de statistiques officielles. Tout au plus peut-on se baser sur les données fournies par le SASME, le Service des affaires sociales et de la mobilité étudiante de l’Université de Lausanne. Et encore, ceux qui s’adressent à ce service ne représenteraient que la face cachée de l’iceberg. «Tous les étudiants, loin s’en faut, n’approchent pas le service d’aide sociale, explique Arthur Auderset, du syndicat SUD. D’abord parce que les démarches ont un côté rebutant, ensuite parce que l’information est peu disponible, sans oublier enfin la dimension stigmatisante en Suisse de toute personne qui recours à l’aide sociale, alors même qu’elle y a droit de par la loi».

Toujours est-il que le SASME est approché chaque année par environ 500 à 600 étudiants, un chiffre à mettre en perspective avec les quelque 14’000 étudiants immatriculés à l’Université de Lausanne.

Précarité plus intense

«Après une hausse significative des demandes observées il y a 10-15 ans, le chiffre des demandes d’aide sociale est plutôt stable ces 5 dernières années, explique Ivan Devenoges, conseiller au SASME. Il n’y a donc a priori et de notre regard pas d’augmentation du nombre d’étudiants précaires. En revanche, ce que l’on observe, c’est que les cas de précarité sont beaucoup plus graves qu’auparavant».

Parmi les étudiants précarisés, il y a les étudiants étrangers (lire encadré), mais aussi les étudiants suisses. En cause bien sûr, l’augmentation vertigineuse des loyers (qui ont doublé au cours de 15 dernières années), mais aussi bien entendu, l’explosion des primes d’assurance-maladie.

«Dans la mesure où le système des bourses cantonales fonctionne correctement, ce qui est en général le cas, les besoins de base des étudiants suisses sont assurés explique Ivan Devenoges. Les cas qui posent problème sont des cas particuliers, en général des étudiants issus de familles monoparentales, plus fragiles.»

Des cas particuliers peu pris en compte par la législation cantonale qui par exemple, dans le cas d’une famille recomposée prend en considération le revenu du beau-père ou de la belle-mère dans l’attribution d’une bourse, et ce même si ce ou cette dernière n’a aucune obligation légale vis-à-vis de l’étudiant.

Problème structurel

Pour Arthur Auderset, du syndicat SUD, il ne s’agit pas là de simples failles du système. C’est bel et bien l’ensemble de celui-ci qui est à revoir. «Il s’agit d’un problème structurel en Suisse, explique-t-il. Les étudiants, qui sont pourtant des travailleurs avec des semaines de plus de 50 heures parfois, bénéficient d’un statut spécial qui les prétérite. Ils n’ont pas droit au revenu d’insertion, ni aux subventions, ni aux mêmes conditions en cas de chômage. Tout le système est fondé sur un principe, celui que les parents doivent payer. Or, les familles ont changé et elles également subissent la crise. C’est donc un autre dispositif qu’il faut mettre en place, et le système doit être pris en charge par la collectivité et non par les familles, comme c’est déjà le cas pour les retraités, les malades, etc.»

Et de conclure: «leur filet social aujourd’hui, ce sont les bourses. Or, celles-ci sont notoirement insuffisantes et octroyées sur des critères arbitraires».

Les étudiants étrangers plus exposés

Les étudiants étrangers représentent une des catégories les plus exposées à la précarité. Attirés par des taxes universitaires nettement moins élevées que ce que l’on peut observer aux États-Unis ou en Grande-Bretagne, et provenant de pays où les salaires sont bien plus modestes, ils sont nombreux à tenter leur chance chez nous. «C’est incontestablement une des catégories les plus précarisées, constate Ivan Devenoges, du SASME. Souvent ils se font piéger en arrivant ici pour un master avec à peine quelques milliers de francs qui ne leur permettent pas de tenir bien longtemps, compte tenu du coût de la vie chez nous. Il n’est d’ailleurs par rare que certains d’entre eux vivent avec 500 ou 600 francs par mois».