Epalinges: l’EMS La Girarde au cœur de la tourmente

  • Après celui de Burier en juin dernier, un autre EMS est aujourd’hui sur la sellette, celui de La Girarde, à Epalinges.
  • Les griefs portent sur les conditions de travail de ses collaborateurs et des procédés qualifiés de «sectaires».
  • La direction rejette en bloc les accusations, mais le Département de la Santé du Canton s’est saisi du dossier. Un audit financier a été lancé.

  • L’établissement est conforme au standard cantonal basé sur la sécurité et la dignité des patients, mais sa gestion du personnel est mise en cause. verissimo

    L’établissement est conforme au standard cantonal basé sur la sécurité et la dignité des patients, mais sa gestion du personnel est mise en cause. VERISSIMO

«Compte tenu des mises en cause reçues, il faut vérifier de quelle manière est utilisé l’argent public dans la gestion de l’établissement.»

Pierre-Yves Maillard, chef du Département de la santé et de l’action sociale.

Mais que se passe-t-il donc à l’EMS La Girarde à Epalinges? Inauguré en 2012 grâce à un investissement de 20 millions pris en charge par l’Etat, mais géré par la Fondation du Relais rattachée à la Fédération des Eglises adventistes du 7e jour de Suisse romande, il semble vivre des heures tourmentées.

En cause: toute une série de licenciements et une gestion du personnel jugée «sectaire» par ceux et celles qui ont été remerciés. «Ici, on s’aligne ou on s’en va!», résume Gérard (*), cadre licencié qui a officié au sein de l’établissement depuis son ouverture en 2012. Tout comme lui, dix autres cadres sur les douze que comptait l’établissement à ses débuts ont été remerciés entre juillet 2013 et décembre 2016, alors qu’un autre cadre a préféré démissionner suite au licenciement d’un de ses collègues. D’autres employés subalternes n’auraient pas échappé à ce que beaucoup de ces exclus qualifient de «purges», certains évoquant même du harcèlement au travail. Globalement, l’établissement compterait ainsi un turn-over d’environ 25% depuis son ouverture en 2012.

Sous le couvert de l‘église

En 2015, La Girarde avait déjà défrayé la chronique en raison de tabous alimentaires qu’elle imposait à ses pensionnaires et l’Etat avait dû intervenir (lire encadré ci-dessous). Au-delà de cette polémique, aujourd’hui, c’est donc surtout la gestion du personnel qui semble poser problème. Suite à l’affaire dite des pratiques alimentaires douteuses, un premier cadre, qui assumait la fonction de directeur du service hôtelier, avait été évincé. Aucun reproche n’avait pu lui être fait. Si ce n’est qu’il fallait s’en séparer pour des raisons budgétaires et, peut-être, parce qu’il n’était pas adventiste, contrairement à deux des autres directeurs. Curieusement, il était aussi le seul à avoir protesté contre le régime alimentaire en vigueur depuis sa prise de fonction en 2012.

Plusieurs mises à pied

Depuis, d’autres ont suivi le même chemin et auraient été systématiquement remplacés par des fidèles de l’Eglise adventiste.

«En engageant principalement des cadres au sein de la communauté adventiste, ou proches de celle-ci, on subventionne des procédés sectaires», dénonce clairement Pierre (*), un autre cadre licencié. «Pour un établissement qui a le soutien de l’Etat, ce n’est pas acceptable!», ajoute un autre de ses ex-collègues.

Déni en bloc

Contactée, la direction de l’établissement rejette en bloc ces accusations. Les cadres licenciés depuis l’ouverture de l’EMS? «Le recrutement et l’engagement dans une période aussi courte n’est pas infaillible et le temps permet de déceler certains dysfonctionnements» explique ainsi Caroline Boscacci, sa directrice. «En outre, certaines personnes ont eu des attitudes ou des comportements contraires aux compétences professionnelles attendues pour exercer dans un établissement médico-social.»

Des cadres virés et systématiquement remplacés par des fidèles de l’Eglise adventiste? «Les postes à repourvoir dans l’institution sont mis au concours. La compétence professionnelle a toujours été privilégiée dans la décision finale. La Fondation du Relais comprend aujourd’hui un total de 13 cadres incluant la Direction et l’équipe de responsables. Parmi ceux-ci, 5 personnes sont adventistes.»

Pas de table mise à l’écart pour les adeptes de cochonnaille non plus, selon Caroline Boscacci: «Depuis plusieurs mois, les résidents mangent tous dans la salle à manger peu importe le menu choisi.» La seule concession de la directrice face aux critiques émises concerne le turn-over que compte l’établissement, mais avec des nuances: «Le turn-over des employés CDI ) au sein de la Fondation du Relais est d’environ 15%. Il est conforme à d’autres établissements actifs dans le domaine social. Par contre, il est vrai que si l’on doit prendre en considération les CDD (, les apprentis et les «poolistes», le pourcentage s’élève à 25%.»

Un audit financier en cours

Alors? Beaucoup de bruit pour rien? Pas si sûr! Le Conseiller d’Etat Pierre-Yves Maillard, chef du Département de la santé et de l’action sociale, s’est saisi de l’affaire. Il admet avoir reçu plusieurs courriels mettant en cause la gestion des collaborateurs de l’établissement.

Récemment encore, l’autorité de surveillance qui dépend de son Département, le CIVESS, a procédé à une inspection. Le résultat de celle-ci atteste de la conformité de l’établissement au standard cantonal basé sur la sécurité et la dignité des patients. Mais Pierre-Yves Maillard entend aller plus loin. Il a également mandaté un audit financier dont les résultats ne sont pas encore connus. «Compte tenu des mises en cause reçues, il faut vérifier plus à fond de quelle manière est utilisé l’argent public dans la gestion de l’établissement.»

L’affaire est donc prise très au sérieux au plus haut niveau. Pour le reste, La Girarde devra encore s’expliquer sur le limogeage d’au moins deux cadres devant les Prudhommes. Cela se jouera dans les prochaines semaines. (*) noms connus de la rédaction

Des antécédents

Ce n’est pas la première fois que La Girarde se retrouve sous le feu des projecteurs. En mai 2015 déjà, trois ans après son inauguration, elle avait dû adopter pour un programme de redressement financier et sa direction était accusée de pratiquer d’étranges tabous alimentaires afin de rester fidèle aux principes adventistes. D’où le régime en vigueur au sein de l’établissement, qui ne recense pourtant qu’une minorité de pensionnaires adventistes.

L’affaire avait fait grand bruit et nécessité l’intervention du Conseiller d’Etat Pierre-Yves Maillard en personne. Depuis, un menu C, comme «cochonaille», est servi à celles et ceux qui le désirent. Mais, à en croire plusieurs collaborateurs, la pratique globale n’aurait pas vraiment changé. Ainsi une table, que certains licenciés n’hésitent pas à appeler «la table des pestiférés», placée dans un local à part, accueille celles et ceux qui souhaite manger de temps ce qui est tabou ailleurs... Problème, elle ne comporterait que 8 places, ce qui rend le tournus plutôt lent pour ceux des 62 résidents que compte l’établissement qui souhaitent manger ce type de menu. Des propos contestés par la la direction qui affirme que cette pratique n’a plus lieu d’être (lire ci-dessus) alors que le menu hebdomadaire proposé aux résidents, et qu’on peut découvrir sur le site internet de l’établissement, ne mentionne pourtant toujours pas de menu C!