AVS: «Avec ce projet, il n’y a que des perdants!»

  •  Le dimanche 24 septembre, le peuple suisse devra se prononcer sur la réforme des retraites. Pour le Conseil fédéral, elle garantit les rentes et les maintient à leur niveau actuel, elle prévient les déficits et elle modernise la prévoyance vieillesse.
  • La réforme est soutenue essentiellement par les partis de gauche et du centre qui estiment que la réforme est un bon compromis et qu’elle permettra d’assurer les rentes et de renforcer l’AVS. Elle est combattue par l’UDC, le PLR et de nombreuses associations économiques. Ils estiment que la hausse des rentes provoquera un endettement supplémentaire de plusieurs milliards dans les prochaines décennies.
  • Pour en débattre, Lausanne Cités vous propose un face à face entre la Conseillère nationale PS Rebecca Ruiz et son collègue PLR Olivier Feller.

  •  OLIVIER FELLER, CONSEILLER NATIONAL PLR

    OLIVIER FELLER, CONSEILLER NATIONAL PLR

OLIVIER FELLER, CONSEILLER NATIONAL PLR

Lausanne Cités: Quelle est, à vos yeux, la principale raison pour pousser le peuple à rejeter ce projet?

Olivier Feller: Avec ce projet, il n’y a que des perdants. Les retraités actuels n’obtiendront rien de plus même s’ils vivent modestement. Les femmes devront travailler une année supplémentaire. Les employés verront leur salaire disponible diminuer. Et les consommateurs paieront plus de TVA.

Vous prétendez même que la réforme, au lieu de la sauver, menace la prévoyance vieillesse. En quoi?

C’est un fait. Depuis trois ans, l’AVS dépense davantage qu’elle n’encaisse. Le déficit s’est élevé à 320 millions en 2014, à 579 millions en 2015, puis à 767 millions en 2016. Et la situation va continuer de s’aggraver. Dans ces conditions, il est insensé d’augmenter encore les dépenses en versant de façon généralisée 70 francs de plus par mois à tous les futurs retraités. Car cette mesure coûtera à l’AVS 1.4 milliard de plus en 2030 et 2 milliards de plus en 2035.

Les partisans estiment pourtant que le projet évitera que l’AVS subisse des déficits pendant la prochaine décennie et que les recettes supplémentaires assureront son avenir.

Je pourrais admettre les nouvelles recettes si elles permettaient d’assurer durablement l’équilibre financier de l’AVS. Mais comme le projet prévoit simultanément une hausse des dépenses, il maintient l’AVS dans une logique déficitaire. Franchement, est-ce vraiment un progrès social de faire payer davantage les travailleurs et les contribuables pour se retrouver dans moins de dix ans avec une AVS à nouveau gravement déficitaire?

Pour pousser à voter non, vous affirmez que le projet désavantage les retraités actuels dans le besoin. N’est-ce pas un argument de gauche?

Non, c’est un constat. Dans quelques années, des retraités âgés par exemple de 75 ans auront 70 francs de rente AVS de moins par mois que des retraités de 74 ou de 73 ans. Cela deviendra incompréhensible, ce sera une inégalité crasse.

La réforme adapte pourtant aux réalités du travail une prévoyance vieillesse qui n’a pas été revue depuis 20 ans.

La réforme va surtout aggraver à moyen terme le déséquilibre financier de l’AVS. Au point que certains exigeront une hausse de l’âge de la retraite à 67 ans. Ce n’est pas ce que je veux.

Les rendements du 2e pilier sont à la peine. N’est-il pas temps de réformer le système?

Le projet prévoit une baisse des rentes du 2e pilier obligatoire de 12%. Certains assureurs y voient un avantage et soutiennent le projet. Mais c’est manquer de vision globale des assurances sociales. La dette de l’assurance invalidité s’élève à 11 milliards, celle de l’assurance-chômage à 3 milliards. Et les réserves de l’assurance perte de gain ne cessent de diminuer. Dans ce contexte, il ne faut pas augmenter les dépenses de l’AVS mais garantir durablement le niveau actuel des rentes.

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Les forces en présence

A une dizaine de jours du vote, c’est l’incertitude qui continue de prédominer. Les camps sont partagés, si bien que l’issue du vote sur la réforme Prévoyance vieillesse 2020 est très incertaine.

Le camp des pour

Le PS, les Verts, les Vert’libéraux, le PDC et le PBD se sont engagés pour le oui. Ils sont suivis par une coalition hétéroclite qui regroupe un comité bourgeois en faveur de la réforme avec le Centre patronal vaudois, l’USS, le Travail Suisse, Unia, le Conseil suisse des aînés, l’Union suisse des Paysans, Migros ou encore Pro Senectute.

Durant cette campagne, le Conseiller fédéral Alain Berset n’a cessé de la répéter: «La réforme que le Conseil fédéral et le Parlement ont élaboré au cours des dernières années, assure et maintient le niveau des rentes, stabilise l’AVS (Assurance-vieillesse et survivants) et adapte l’assurance sociale la plus importante aux besoins actuels»

Le camp des contre

La colation qui s’oppose à la réforme est emmenée par le PLR, l’UDC et l’Union suisse des Arts et métiers. Elle mène sa campagne sur la base d’un slogan-choc: «Trahir les jeunes - Punir les retraités». L’UDF s’est jointe au mouvement, de même qu’Economie Suisse, une série d’autres petites organisation syndicales, le Parti suisse du travail, l’AVIVO et Coop. Le Conseiller national valaisan Philippe Nantermod a dénoncé une réforme qui ne résout pas les problèmes de l’AVS: «On n’assainit pas, on augmente les dépenses! Et on creuse les déficits. Nous sommes d’accord d’augmenter l’âge de la retraite et de relever la TVA, mais nous voulons des mesures de compensation ciblées», a-t-il exposé, fustigeant les 70 francs promis à tous les futurs rentiers.