«Il n’y a rien de pire que la passivité et l’indifférence»

  • Elue Ensemble à Gauche, Marlène Voutat a accédé à la présidence du Conseil communal le 1er juillet dernier.
  • Simple et déterminée, cette secrétaire comptable se veut être «la voix des petites gens».
  • Rencontre avec une présidente affable et aux convictions affirmées. 

  • Elue Ensemble à Gauche, Marlène Voutat est la nouvelle présidente du Conseil communal. verissimo

    Elue Ensemble à Gauche, Marlène Voutat est la nouvelle présidente du Conseil communal. verissimo

«Les femmes doivent prendre toute leur place dans les affaires de la Cité»

Les Lausannois vous connaissent peu, vous êtes très discrète et ce alors même que vous êtes en politique depuis très longtemps ...
C’est vrai, c’est dû au fait que, sur les sujets qui m’intéressent comme les centres de loisirs et maisons de quartier - je suis présidente de la Maison de quartier sous-gare - ou l’enfance (Mme Voutat est secrétaire au Département de la jeunesse et des quartiers, ndlr), je suis astreinte à un devoir de réserve. Et puis, je suis d’un naturel assez discret et pas du tout carriériste. Je fais mon boulot de politicienne, c’est tout.

A propos de carrière, vous étiez-vous vue un jour arriver à la présidence du Conseil communal?
Oui, car dès lors que j’ai accepté une place au bureau du conseil, je savais que ça allait arriver. D’ailleurs je me suis dit: si tu ne veux pas que ça arrive, il ne faut pas te présenter pour une deuxième législature. Alors j’ai pensé: vas-y, et on verra, même si cette présidence était un grand point d’interrogation.

Diriger les débats, ce n’est pas trop délicat?
Non vraiment pas, distribuer et organiser la parole ne me dérange pas. Ce qui est plus dur, c’est de rester très attentive durant deux heures, sans pouvoir sortir, ni fumer, ni avoir le droit de s’ennuyer ou de s’endormir, alors qu’il est 23 heures et que la journée a commencé à 6 heures (rires!).

Vous sentez-vous le poids d’une responsabilité particulière?
Pas vraiment. Je dirige les débats, je représente la ville dans diverses manifestations, mais nous restons 100 élus à décider. Je n’ai que la responsabilité de diriger le tout de la manière la plus harmonieuse possible. De toute façon, j’aurai des critiques et dans dix ans, plus personne ne se souviendra de moi comme présidente du Conseil communal. 

Vous avez l’air d’aborder cela avec beaucoup de simplicité...
Je suis secrétaire, je viens d’un milieu modeste, ma mère était femme au foyer, mon père ouvrier dans l’horlogerie... Bien sûr que je suis très simple...
 
Y a-t-il au quotidien, beaucoup de travail dans votre nouvelle fonction?
Il ne faut pas trop se prendre le chou, comme me l’a dit joliment un ancien président du conseil. Il y a beaucoup de représentation, c’est sûr, mais j’ai un bureau qui m’épaule et à qui je peux déléguer. Et puis, la rigueur et la précision que j’ai acquises en tant que secrétaire comptable me sont utiles pour préparer les dossiers. 
 
Qu’est-ce qui vous met en colère?
L’injustice! Surtout quand j’entends certains propos sur les réfugiés qui fuient la guerre et les mendiants qui ont choisi le métier de mendier ! Alors dans mes discours, que j’improvise souvent d’ailleurs, j’apporte parfois ma touche personnelle et fais passer mes messages.

Y a-t-il une dimension particulière dans l’accession d’une femme à la présidence du conseil?
Bien sûr! Il est important que les femmes prennent toute leur place dans les affaires de la cité. Nous sommes tellement décriées, attaquées, dénigrées dans les réseaux sociaux et ailleurs, alors que nous demandons simplement une égalité de traitement, sans avoir à subir des remarques sexistes et absurdes.... 

Voir une secrétaire accéder à la présidence, est-ce également symbolique?
Il y a un aspect que je déplore souvent, c’est le fait que le Conseil communal comporte de plus en plus d’universitaires et pas assez de représentants d’autres professions, alors que chacun à son niveau peut apporter quelque chose. C’est surtout le cas dans les grands partis, moins dans les petits partis.

A quand remonte votre engagement politique?
Je devais avoir 14-15 ans, et dans mon Jura natal, des copains collaient des autocollants «Jura je t’aime». J’ai pris conscience à ce moment que quelque chose se passait. 

«Jura je t’aime...». Diriez-vous aujourd’hui «Lausanne je t ‘aime»?
(Rires) Ce n’est pas la même chose. J’adore Lausanne où je vis depuis plus de 40 ans, même si les sapins et les Franches Montagnes me manquent parfois. J’ai gardé et cultivé mon caractère de Jurassienne extravertie, alors que les Lausannois sont plus réfléchis, tout en retenue. J’aimerais en fait qu’ils se lâchent plus!

Vous vous êtes plusieurs fois manifestée dans des actions contre l’extrême droite. Cela vous fait quoi de succéder à un président qui était issu des rangs de l’UDC...
C’est le jeu de la démocratie et du tournus à la présidence! Valentin (Christe, ndlr), je le connais depuis très longtemps, c’était mon voisin et je l’ai vu grandir! A la présidence du conseil, j’ai appris à l’apprécier, avec son aisance et son humour. Je me demande d’ailleurs bien ce qu’il fait à l’UDC. (rires!)

Y a-t-il encore une place pour l’extrême gauche dans la politique lausannoise aujourd’hui?
Plus que jamais! Notre rôle est de bousculer l’establishment, même s’il est à majorité de gauche, rose-verte. N’oublions pas que bien des gens rament et doivent composer avec des revenus très bas, et des charges d’assurance maladie et de loyers complètement excessifs! Nous restons la voix des petites gens, comme l’UDC d’ailleurs, qui veut jouer ce rôle, mais sur le mode du rejet de l’autre. 
Quel message souhaiteriez-vous adresser aux Lausannois?
Il y a encore tant de choses à faire pour l’égalité, la lutte contre l’injustice et l’amélioration des conditions de vie de tous. Alors je leur dit d’oser s’engager, d’adhérer à des partis, de se manifester, de manifester... Il n’y a rien de pire que la passivité et l’indifférence !