Ostéoporose: quand le CHUV lève un lièvre

  • Aucun médicament contre l’ostéoporose n’est vraiment satisfaisant, selon plusieurs études récentes.
  • Le CHUV a prouvé que l’un des plus prescrits en Suisse entraîne un risque accru de fractures à l’arrêt du traitement.
  • Un comble, puisque ces médicaments sont précisément censés lutter contre la fragilité osseuse.

  • Une étude du CHUV révèle des effets secondaires inattendus et néfastes. dr

    Une étude du CHUV révèle des effets secondaires inattendus et néfastes. dr

  •  Une étude du CHUV révèle des effets secondaires inattendus et néfastes. dr

    Une étude du CHUV révèle des effets secondaires inattendus et néfastes. dr

«Au début, on ne voulait pas nous croire»

Olivier Lamy, médecin chef au Centre des maladies osseuses du CHUV

«Il n’existe actuellement aucun médicament vraiment satisfaisant contre l’ostéoporose». Telle est la récente conclusion de la revue Frontiers in Phamacology, qui a dressé le bilan des options thérapeutiques possibles contre cette maladie qui se traduit par une fragilité osseuse et touche plus de 500’000 Suisses. Les médicaments disponibles auraient «une efficacité incertaine, mais des effets secondaires apparents». L’année dernière déjà, une étude réalisée au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) avait révélé que le dénosumab, actuellement utilisé par quelque 10’000 patients en Suisse, entraîne, après l’arrêt du traitement, un risque de fractures spontanées multiples. La Suisse est le seul pays à avoir officiellement reconnu cet effet secondaire.

Inhabituel

«Au début, on ne voulait pas nous croire», déclare Olivier Lamy, médecin chef au Centre des maladies osseuses du CHUV. Son équipe a constaté une série de fractures «déroutantes»: non seulement elles sont spontanées et multiples (au total, 50 fractures chez 9 patientes observées en 2016), mais elles surviennent en un court laps de temps après l’arrêt du traitement et, de surcroît, chez des sujets qui ne sont pas considérés «à haut risque». «Nous sommes confrontés à quelque chose d’inhabituel», poursuit le médecin. «Le bénéfice du médicament est réel et ses effets secondaires sont rares pendant toute la durée du traitement, mais, ensuite, on constate une perte osseuse qui, en l’espace d’une année, compense tout ce qui avait été gagné, avec un risque de fractures vertébrales multiples.» Il y aurait un « réveil synchronisé » de tous les facteurs cellulaires de destruction osseuse qui avaient été endormis par la médication.

Avant le dénosumab, utilisé en Suisse depuis 2010, on prescrivait des biphosphonates. Or, ces médicaments n’ont guère été plus convaincants. Des recherches menées à Genève en 2012 ont démontré qu’ils provoquaient des fractures encore jamais observées jusque-là. Selon Raphael Meier, médecin au service de chirurgie viscérale des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), celles-ci «surviennent en l’absence de traumatisme et présentent une cassure nette et transversale caractéristique.»

Les premiers doutes sur les biphosphonates ont été émis en 2006 aux Etats-Unis, avec le témoignage d’un médecin qui s’était brisé un fémur après s’en être auto-administré: sa fracture avait guéri seulement lorsqu’il avait arrêté le traitement, et il s’était cassé l’autre fémur dès qu’il avait recommencé.

Le dénosumab est donc une déception de plus dans l’histoire de la prise en charge de l’ostéoporose. La Revue médicale suisse précise que la sévérité de l’effet rebond semble être liée à la durée du traitement. Raison pour laquelle la rhumatologue Anne-Marie Chamot, présidente de la Ligue vaudoise contre le rhumatisme, enjoint les patients à ne pas interrompre brusquement leur médication sans suivi médical. De son côté, le laboratoire fabricant affirme avoir été «proactif» en informant spontanément les autorités suisses de l’existence d’un risque de fractures multiples.

Exagérer?

La solution? Certains estiment que ce médicament ne devrait plus du tout être prescrit, même s’il est efficace tant que le patient est sous traitement. D’autres pensent au contraire qu’il suffirait de le prescrire à vie pour éviter un retour de bâton. Les uns minimisent les bénéfices du médicament; les autres minimisent les risques. «Chacun a tendance à exagérer de son côté », dit Olivier Lamy. Mais il existe tout de même un moyen très efficace pour freiner l’évolution de l’ostéoporose: c’est de veiller à respecter une bonne hygiène de vie. Et là-dessus, tout le monde est d’accord!

Une épidémie silencieuse

L’ostéoporose est une maladie du squelette qui entraîne un risque accru de fracture de la hanche, du poignet, des vertèbres ou de l’épaule. Chaque année, cette maladie serait responsable de 75’000 fractures en Suisse. La plupart ne seraient pas diagnostiquées, car indolores. De plus, elles peuvent survenir lors de chutes bénignes voire en l’absence de tout traumatisme (on parle alors de fracture spontanée).

A partir de 50 ans, le risque de subir une fracture ostéoporotique est de 51% pour les femmes et de 20% pour les hommes. Cette différence est due au fait que les hormones sexuelles féminines contribuent à la santé des os et que cet effet protecteur disparaît après l’apparition de la ménopause.

Nouvelle génération de mécicaments

Le dénosumab, commercialisé en Suisse sous le nom de Prolia, est le premier traitement biologique utilisé contre l’ostéoporose. Il s’agit d’une solution injectable qui contient un anticorps monoclonal, c’est-à-dire une molécule dirigée spécifiquement contre une autre molécule (en l’occurrence, un antigène) reconnue par l’organisme comme étrangère et donc susceptible de déclencher une réaction immunitaire. Un anticorps est dit monoclonal lorsqu’il a été produit en masse à partir d’une seule lignée de cellules, le clone.