Quand la voiture intelligente devient voiture espion

  • Dès le 1er avril, le dispositif «eCall» permettra d’écouter les conversations dans l’habitacle.
  • Les crash recorders proposés par les assureurs et autres GPS espionnent déjà les conducteurs.
  • Quels sont les bons réflexes à avoir pour se protéger de cette surveillance généralisée?

«C’est une tension entre deux intérêts publics: celui de l’amélioration de la sécurité, et celui de la liberté personnelle»
Jean-Cédric Michel, avocat spécialisé dans les nouvelles technologies

Vous qui pensez être à l’abri de toute indiscrétion dans votre voiture, détrompez-vous! Dès le 1er avril, tous les véhicules neufs seront équipés d’un dispositif imposé par l’Union européenne et baptisé «eCall». En cas d’accident, ce boîtier doté d’une carte SIM contactera automatiquement un numéro d’appel d’urgence en transmettant des données sur le lieu de l’accident, la direction sur l’autoroute ainsi que le nombre de passagers. Problème, il permettra également d’écouter les conversations dans l’habitacle et de géolocaliser les véhicules en temps réel.

Une situation qui irrite Sébastien Fanti, avocat valaisan spécialisé dans les nouvelles technologies: «Les données eCall collectées par les centres d’urgence ou leurs services partenaires ne devront pas être transférées à des parties tierces sans l’accord de la personne concernée.» Une position nuancée par son homologue genevois Jean-Cédric Michel: «C’est toujours la même tension entre deux intérêts publics, celui de l’amélioration de la sécurité que cela représente, c’est-à-dire appeler plus vite et plus sûrement les secours en cas d’accident, surtout si les occupants sont inconscients, et celui de la liberté personnelle.»

Décision saluée

Du côté du Bureau de prévention des accidents (BPA), le porte-parole Nicolas Kessler se félicite de la généralisation de ce dispositif: «Nous saluons l’arrivée sur le marché de systèmes permettant d’atteindre une réduction des accidents.» En plus de l’eCall, les crash recorders et les GPS suivent aussi à la trace les conducteurs. Et donc peuvent prouver leur culpabilité en cas d’accident. Vitesse lors de l’impact, déviation de la trajectoire, accélération, tout est stocké, parfois à l’insu des automobilistes.

Ce dont se défend Mirjam Eberhard, chargée de communication au sein d’Axa Winterthur: «Le crash recorder est gratuit pour tous les clients qui en font la demande. Une étude réalisée par nos soins montre que le nombre d’accidents provoqués par les jeunes conducteurs est inférieur de 15% chez ceux qui sont équipés de ce dispositif.»

Dans les moindres détails

Reste que l’amélioration des systèmes de récolte des données permet désormais aux constructeurs de tout connaître de vos déplacements. L’étude du TCS «Voiture connectée, elle en sait beaucoup sur vous!» démontre que les marques savent, notamment, le nombre de fois où vous utilisez l’éclairage ou activez votre ceinture de sécurité, mais aussi la pression de vos pneus et le niveau de vos liquides. Quel est le but de cette récolte massive? Personne ne le sait, mais à l’heure où les données valent de l’or, il semble évident que la démarche n’est pas exclusivement préventive…

Trois questions à Yves Gerber, responsable communication TCS Groupe

Faut-il s’inquiéter de l’introduction du système eCall qui permet d’écouter les conversations dans l’habitacle?

Essayer d’échapper à cette technologie est de plus en plus difficile, car les actuelles fonctionnalités en ligne se développent constamment. Les voitures contemporaines enregistrent, stockent et transmettent un nombre gigantesque de données. Hormis l’industrie automobile, personne ne sait exactement ce qu’il advient de ces informations.

Que faire pour éviter d’être surveillé en permanence quand on conduit?

Hormis les données dont l’utilisation est prescrite par le législateur (par exemple, le contrôle des gaz d’échappement ou eCall), le propriétaire du véhicule doit pouvoir désactiver simplement le traitement et la transmission de données, dans la mesure où celles-ci ne sont pas indispensables au fonctionnement du véhicule. La qualité des prestations de service auxquelles a droit le détenteur ne doit pas être réduite pour autant.

Le GPS peut-il aussi être considéré comme un mouchard?

Le GPS, internet ainsi que de nombreux capteurs et caméras installés dans les voitures, accroissent le confort et la sécurité, facilitent le maniement, mais permettent aussi de surveiller en permanence le véhicule et son conducteur. Cette transmission des données n’a pas seulement lieu lorsque la voiture est entretenue au garage, mais aussi fréquemment et continuellement par radiotéléphonie mobile.