Soins dentaires: Vaud sera-t-il un précurseur?

  • Le 4 mars, les Vaudoises et les Vaudois seront appelés aux urnes pour dire s’ils acceptent ou non l’initiative «Pour le remboursement des soins dentaires» qui a été lancée en 2014 par le POP et Solidarités.
  • Ce texte est soutenu par la majorité de gauche du Conseil d’Etat, les Verts, le PS et le PDC, les syndicats et diverses associations. Fondé sur la solidarité, le projet s’inspire du modèle de l’AVS.
  • A l’inverse, les opposants, PLR, UDC, Vert’libéraux, dentistes et organisations économiques évoquent une assurance chère et trompeuse et une nouvelle pression sur la classe moyenne.

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  • Le 4 mars, les Vaudoises et les Vaudois seront appelés aux urnes pour dire s’ils acceptent ou non l’initiative «Pour le remboursement des soins dentaires» qui a été lancée en 2014 par le POP et Solidarités.

    Le 4 mars, les Vaudoises et les Vaudois seront appelés aux urnes pour dire s’ils acceptent ou non l’initiative «Pour le remboursement des soins dentaires» qui a été lancée en 2014 par le POP et Solidarités.

  • Rebecca Ruiz, conseillère nationale PS, Lausanne

    Rebecca Ruiz, conseillère nationale PS, Lausanne

  •  Florence Bettschart-Narbel, députée, présidente du PLR Lausanne

    Florence Bettschart-Narbel, députée, présidente du PLR Lausanne

  •  Florence Bettschart-Narbel, députée, présidente du PLR Lausanne

    Florence Bettschart-Narbel, députée, présidente du PLR Lausanne

FLORENCE BETTSCHART-NARBEL, DÉPUTÉE, PRÉSIDENTE DU PLR LAUSANNE

«C’est cher payer pour la classe moyenne»

Lausanne Cités: 10% des Romands renoncent à se rendre chez le dentiste par manque de moyens. Dire oui à l’initiative, n’est-ce pas dans le fond, et avant toute chose, faire preuve de solidarité et se battre pour une justice pour tous?

Il faut surtout se poser la question de savoir si nous avons des problèmes bucco-sanitaires dans notre canton. Et à cela, je répondrais que non: d’après la Société suisse des médecins-dentistes, le taux de caries chez les jeunes et les adultes a diminué de 90% depuis 1960. Selon l’OMS, la Suisse se classe parmi les meilleurs pays de référence. Il faut des mesures ciblées pour ceux qui en ont vraiment besoin, mais non une mesure arrosoir. Aujourd’hui déjà, 70’000 Vaudois sont soutenus par le Canton pour une somme de 23 millions chaque année.

Le coût de cette opération consisterait en une ponction paritaire de 0,5% du salaire. Est-ce vraiment trop cher payer pour tenter de juguler ce qui risque de devenir à terme un vrai problème de santé publique?

Rien ne laisse penser que cela va devenir un grave problème de santé publique, bien au contraire! Oui, c’est évidemment cher payer pour la classe moyenne qui paiera non seulement cela sur son salaire, mais également avec ses impôts. Il y aura en plus une cotisation de l’employeur, ce qui mettra encore une pression sur les salaires qui augmentent peu ces derniers temps.

Cette assurance s’inspirerait par ailleurs d’un modèle sûr et équitable, celui de l’AVS. Elle ne serait pas soumise aux exigences du marché et à la concurrence. Une solution idéale, non?

L’organisation de cette assurance est encore floue puisque l’on vote sur un article constitutionnel. Cela n’a rien à voir avec l’AVS, puisque cette dernière est destinée à verser des rentes. Ce sera un système plus proche de la LAMal dont on connaît les défauts. Il faudra déterminer quelles prestations sont prises en charge ou non, se faire rembourser le cas échéant, bref, un monstre bureaucratique va se mettre en place.

Pour vous, elle reste dans tous les cas un modèle cher pour une couverture relative. Pourquoi?

L’initiative ne parle que des soins de base: cela veut dire que l’orthodontie, les implants ou les couronnes, par exemple, ne seraient pas pris en charge. De plus, le Conseiller d’Etat Maillard a d’ores et déjà annoncé qu’il y aurait une franchise de 300 francs pour les adultes et de 100 francs pour les enfants. Ainsi, une famille de quatre personnes devrait de toute manière payer 800 francs pour ses soins dentaires usuels, plus la ponction salariale, soit un montant total bien plus important que ce que bien des familles paient actuellement pour leurs soins dentaires.

A Genève, à Neuchâtel ou encore en Valais et au Tessin, des initiatives similaires ont été déposées. Un oui vaudois ferait du canton un précurseur. Ouvrir la voie en matière de santé publique, ça ne vous inspire pas?

Pas du tout! Je souhaite vivement que le canton de Vaud vote non à cette initiative, nul besoin de mettre en place une usine à gaz pour un problème tout à fait exagéré par les initiants.

 

REBECCA RUIZ, CONSEILLERE NATIONALE PS, LAUSANNE

«Nous proposons un modèle fiable et solidaire»

Lausanne Cités: Les partisans de l’initiative, dont vous faites partie, estiment que dire oui est une question de justice et de solidarité. En quoi?
Rebecca Ruiz: C’est surtout une question de pouvoir d’achat pour la classe moyenne, les familles et les personnes âgées. Les frais dentaires pèsent lourd sur leur budget. Or, la bouche fait partie du corps, et il est donc logique de mettre en place un système d’assurance pour tout le monde. Aujourd’hui, ce n’est pas acceptable que des gens, même s’ils travaillent, même s’ils ont un revenu, se privent de soins dentaires ou soient contraints à traverser la frontière pour un détartrage.

Une bonne santé buccale, n’est-ce pas d’abord une question de responsabilité individuelle et d’éducation?

Bien sûr, il faut se brosser les dents mais il ne faut pas oublier que les conditions socio-économiques et le patrimoine génétique jouent un rôle important. De plus, certaines maladies fréquentes comme le diabète, la dépression ou le cancer provoquent des parodontites qui peuvent générer des pertes de dents, et cela malgré une bonne hygiène bucco-dentaire. C’est donc simpliste de réduire le tout à un brossage des dents fait dans les règles.

Les opposants dénoncent un message trompeur, car cette assurance ne couvrira pas certains frais. De plus, un adulte devra payer une franchise de 300 francs, un enfant 100 francs… même pour une carie…

Notre message est clair, l’assurance rembourserait un dépistage et un détartrage annuels, ainsi que les soins nécessaires au traitement des caries et autres maladies bucco-dentaires. L’orthodontie serait prise en charge lorsqu’elle est nécessaire pour le fonctionnement de la mâchoire, et non pour des cas relevant de l’esthétique. Quant à la franchise, c’est le Grand Conseil qui devra décider des montants, mais le Conseil d’Etat a présenté un modèle qui prévoit l’absence de franchise pour une consultation annuelle, ou encore une franchise plus basse pour les enfants.

On sait qu’une assurance obligatoire finit toujours par devenir un gouffre financier. Pour preuve la LAMal…

La LAMal n’a pas de dette en tant que telle. Mais cela ne l’empêche pas de dysfonctionner sur certains points. La concurrence effrénée entre les 59 caisses-maladie pousse par exemple à la chasse aux bons risques. Le montant des primes qui ne cesse d’augmenter devient impayable pour la classe moyenne vu que les primes ne sont pas proportionnelles aux revenus. C’est pourquoi nous proposons un modèle de financement différent, celui de l’AVS, que l’on sait fiable et solidaire.

Dire oui, c’est dire oui à un impôt qui mettra encore plus de pression sur la classe moyenne, comme sur les entreprises. Est-ce bien raisonnable?

Un père ou une mère de famille qui gagne 6000 francs par mois paierait entre 18 et 30 francs sur son salaire et verrait les factures du dentiste remboursées pour toute sa famille, y compris ses parents à la retraite. C’est donc un système très favorable aux classes moyennes au contraire!