Addiction aux écrans: nos ados sont-ils en train de devenir fous?

  1. Troubles musculaires, constipation, fatigue oculaire, problèmes veineux, voici quelques-uns des maux imputés à une utilisation excessive des écrans.
  2. Problème, les jeunes touchés sont toujours plus nombreux. Et cette addiction peut même conduire au suicide.
  3. Le «Gaming disorder» fera son entrée sur la 11e liste de la Classification des maladies, publiée en juin prochain par l’OMS, l’Organisation mondiale de la Santé

  •  Utilisés à outrance, les écrans peuvent s’avérer dangereux pour les ados. DR

    Utilisés à outrance, les écrans peuvent s’avérer dangereux pour les ados. DR

«Les jeunes passent 25% plus de temps sur un écran qu’il y a deux ans»

Corine Kibora, porte-parole chez Addiction Suisse

Robin* est un bon élève, ses professeurs l’apprécient et il fait régulièrement du sport. Mais depuis quelques mois, il passe de plus en plus de temps sur son portable. Il allume tous les soirs sa console de jeux, tout en regardant une série sur sa tablette. Sans s’en rendre compte, il est devenu accro: «La semaine dernière, j’ai compté le nombre de fois où je regardais mon smartphone et j’ai pris peur, je suis arrivé à 326 en un seul jour. Je n’ai que 16 ans et j’ai déjà souvent mal au dos, je n’arrive plus à me concentrer et j’ai souvent des crampes dans les mains. Et il y a aussi mes insomnies. Va falloir que je me calme, je crois.»

Consommation en hausse

A la différence de Robin, la plupart des jeunes impactés par les nouvelles technologies ne s’en rendent pas forcément compte. Ils ne font pas le lien ou ne s’en soucient pas. Ce que déplore Corine Kibora, porte-parole chez Addiction Suisse à Lausanne: «Les jeunes passent 25% plus de temps sur un écran qu’il y a deux ans à peine. Un des effets est l’altération du sommeil qui peut être lourde de conséquences, notamment au niveau scolaire. On note aussi des troubles oculaires, des maux de nuque, de posture, de sédentarité et une mauvaise alimentation. L’agressivité et la dépression peuvent aussi faire partie du tableau.» La spécialiste précise également que les comportements problématiques touchent davantage les plus jeunes, ceux qui ont 12 ou 13 ans.

La nouvelle héroïne

Conséquence directe, les scientifiques sont de plus en plus nombreux à s’intéresser à ces maux qui touchent de plein fouet les jeunes du monde entier. Le docteur américain Nicholas Karadars est le plus connu d’entre eux. Dans un récent numéro d’Envoyé Spécial sur France 2, il n’hésitait pas à déclarer que l’addiction aux écrans était la nouvelle «héroïne numérique». Et qu’elle agissait sur les jeunes en rétrécissant les voies cérébrales et ralentissant la circulation des fluides.

D’autres maux, moins graves, ont également été répertoriés: douleurs aux mains et dans la nuque, syndrome du canal carpien, dos voûté, constipation, surpoids, pour ne citer que les principaux. Au sein de Pro Juventute également, on tire la sonnette d’alarme: «L’addiction en ligne est souvent issue d’une instabilité émotionnelle ou d’un isolement social. Plus de 20 heures en ligne par semaine sont considérées comme inquiétantes.»

En parler

Que peuvent faire les parents pour endiguer ce fléau? Dans un premier temps, il convient d’en parler ouvertement avec son enfant. S’il refuse, il est essentiel de se tourner vers des organismes de soutien tels Pro Juventute ou Addiction Suisse. La clé consiste également à accompagner les plus jeunes dans leur utilisation des écrans et donc ne pas considérer ces derniers comme des baby-sitters. Il y a encore du travail à accomplir puisque selon la dernière étude James réalisée par Swisscom et la haute école zurichoise ZHAW, un jeune sur dix souffrirait d’une addiction sévère à internet et ils seraient également 12% à avoir une consommation risquée ou problématique.

(*) nom connu de la rédaction

Une maladie de plus répertoriée par l'OMS

Le Gaming disorder ou «trouble du jeu vidéo» va être très prochainement reconnu comme une maladie par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Les risques d’addiction liés à ce «trouble» vont être ajoutés à la 11e liste de la Classification internationale des maladies (CIM), qui sera publiée en juin. Cette liste, dressée par l’OMS, est basée sur les conclusions d’experts de la santé dans le monde entier. La définition courante de ce nouveau trouble est «un comportement lié aux jeux vidéos sur internet ou hors ligne, qui se caractérise par une perte de contrôle sur le jeu, une priorité croissante accordée au jeu par rapport à d’autres activités, au point qu’il prenne le pas sur d’autres centres d’intérêt». Selon les experts de l’OMS, un individu doit montrer une addiction anormale au jeu pendant au moins un an avant d’être diagnostiqué comme souffrant de ce trouble, qui va être classé comme «un comportement addictif».

Suicide chez les jeunes: les réseaux sociaux accusés

«Depuis 2008, le taux de suicide chez les jeunes ne recule plus.» Christoph Junker, responsable de la statistique vitale au sein de l’Office fédéral de la statistique (OFS), confirme une tendance inquiétante. Pire encore, aux Etats-Unis, chez les jeunes filles de 13 à 18 ans, la hausse est de 65% entre 2010 et 2015. Une étude menée par des psychologues des universités de San Diego et Miami l’affirme: la hausse du taux de suicide et des états dépressifs chez les ados coïncide avec celle des écrans et des réseaux sociaux. Sans oublier les cas similaires à celui de Katelyn Davis, cette adolescente américaine de 12 ans qui a mis fin à ses jours en direct sur Facebook. Au niveau fédéral, le danger est pris au sérieux puisque la Confédération a adopté un plan d’action visant à renforcer la sensibilisation auprès des jeunes. Son but est de réduire le nombre de suicide de 25% d’ici 2030.