Obliger à se faire vacciner? Une fausse bonne idée!

  • En France, 11 vaccins sont obligatoires pour les enfants nés depuis le 1er janvier 2018, alors qu’il n’y en avait que trois jus qu’à maintenant.
  • La raison invoquée: une baisse du taux de couverture de la population, due à une augmentation du scepticisme face aux vaccins.
  • En Suisse, où aucun vaccin n’est obligatoire, tant les anti-vaccins que ses défenseurs jugent l’obligation contre-productive.

  •  «C’est bien, et normal, que les gens s’interrogent. C’est pourquoi la réponse étatique d’obligation n’est pas une bonne réponse.» Eric Masserey, médecin cantonal vaudois

    «C’est bien, et normal, que les gens s’interrogent. C’est pourquoi la réponse étatique d’obligation n’est pas une bonne réponse.» Eric Masserey, médecin cantonal vaudois

«C’est bien, et normal, que les gens s’interrogent. C’est pourquoi la réponse étatique d’obligation n’est pas une bonne réponse.»

Eric Masserey, médecin cantonal vaudois

«L’obligation vaccinale n’est pas une bonne idée. Elle risque surtout de provoquer des conflits et une polarisation des positions. Si la vaccination est aussi utile qu’on le dit, nous devons pouvoir convaincre une majorité sans obligation.» L’avis du médecin cantonal vaudois Eric Masserey reflète bien l’état d’esprit qui prévaut en Suisse quand il est question de vaccination. A savoir que chez les Helvètes, on mise surtout sur l’information au citoyen et on tient à sa liberté de choix.

Une politique de surveillance

Ce constat fait dire à tous nos intervenants que l’on ne risque pas de voir débarquer une obligation vaccinale en Suisse. Bien sûr, cela n’empêche pas de mener une politique de surveillance, mentionne Alessandro Diana, pédiatre infectiologue et expert Infovac. Si lui aussi pense qu’il faut déployer des moyens dans l’information plutôt que dans l’obligation, il évoque toutefois une catégorie de patients à qui une obligation «rendrait service». «Certains parents qui s’interrogent céderaient à la vaccination obligatoire, car cela leur enlèverait le poids de la responsabilité face à d’éventuels effets secondaires. Pour certains, obligatoire signifie nécessaire. Mais cela pourrait aussi bien provoquer une levée de boucliers.»

A ce titre, le médecin estime que la décision française permettra «une vraie étude de la situation après la mise en pratique de l’obligation».

Françoise Berthoud, pédiatre FMH à la retraite et membre du Forum européen de vaccinovigilance trouve la décision française «effrayante». Si elle regrette que cette idée fasse son chemin ailleurs, tel qu’en Italie, elle n’envisage cependant rien de tel en Suisse.

Les Vaudois confiants

La décision de nos voisins a été annoncée comme un moyen de «redonner confiance aux Français dans la vaccination». Un sondage international réalisé en 2016 montre en effet que 41% des Français estiment les vaccins peu sûrs et se méfient des laboratoires. Un record mondial.

En Suisse romande, les habitants semblent majoritairement enclins à faire confiance aux autorités, et donc à accepter sans rechigner les recommandations de vaccination. Le canton de Vaud, avec une tradition de vaccination scolaire, affiche même des taux de couverture s’élevant à plus de 95% concernant la rougeole, alors que la moyenne nationale se trouve autour des 85%.

«La Suisse alémanique fait moins bien que la Suisse romande, car le mode de vie y est différent et la vaccination n’y est pas considérée comme une thématique publique, informe Eric Masserey. Certains milieux, comme l’école Steiner, affichent aussi des taux de couverture plus bas, et l’on y trouve parfois des flambées épidémiques. Dans ces cas, nous avons le devoir de prendre contact afin d’éviter que l’épidémie ne se répande». Une étude aurait aussi avancé que les milieux universitaires et intellectuels regrouperaient le plus de vaccinosceptiques, mentionne Françoise Berthoud.

«Ceux qui se questionnent sur la vaccination sont souvent très bien renseignés, admet Eric Masserey. C’est bien, et normal, que les gens s’interrogent. C’est pourquoi la réponse étatique d’obligation n’est pas une bonne réponse. Fournir les bonnes informations et les résultats les plus à jour, oui.»

La France et l’Italie championnes des vaccins

EUROPE • Depuis le 1er janvier dernier, la France, avec l’Italie, est devenue l’un des seuls pays européens à rendre obligatoires l’ensemble des vaccins inscrits à son calendrier, soit onze au total. Jusqu’alors, trois vaccins y étaient obligatoires (diphtérie, tétanos, poliomyélite) tandis que les huit autres étaient recommandés (coqueluche, haemophilius influenza B, hépatite B, rougeole, oreillons, rubéole, pneumocoque, méningocoque C). En novembre, la Cour constitutionnelle italienne a pour sa part validé une loi votée rendant 10 vaccins obligatoires pour l’entrée à l’école. De 6 à 16 ans, les parents des enfants non vaccinés risquent des amendes de 100 à 500 €. La région de la Vénétie (Nord), dénonçant une atteinte au droit individuel à la santé, a déposé un recours contre cette mesure qui a été rejeté. Pour le reste, chacun des 28 Etats membres de l’Union européenne dispose d’un calendrier vaccinal qui incite seulement sa population à s’immuniser contre un certain nombre de maladies dites à prévention vaccinale. Parmi ceux qui sont dénués d’obligation vaccinale, on trouve l’Allemagne, l’Autriche, Chypre, le Danemark, l’Espagne, l’Estonie, la Finlande, l’Irlande, l’Islande, la Lituanie, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni et la Suède. D’autres pays, en revanche, ont toujours certains vaccins obligatoires, comme la Belgique (1 vaccin obligatoire), la Bulgarie, la Croatie, la Grèce, la Hongrie, la Lettonie, Malte, la Slovaquie, la République tchèque (4 vaccins obligatoires pour tous ces pays) et la Slovénie (9 vaccins obligatoires). Confronté à une grave épidémie de rougeole qui a provoqué la mort de 32 personnes depuis septembre 2016, la Roumanie a quant elle présenté l’été dernier un projet de loi visant à rendre obligatoire la vaccination contre cette maladie.

Aucun vaccin n’est obligatoire en Suisse, mais l’Office fédéral de la Santé publique (OFSP) publie chaque année un Plan de vaccination. Y sont listés les vaccins recommandés de base, les complémentaires, et ceux conseillés à des groupes à risque.

Obligation: oui en cas d’épidémie

La loi fédérale sur les épidémies prévoit que les cantons peuvent rendre obligatoire une vaccination en cas d’épidémie majeure et d’enjeu de santé publique. Théoriquement, la souveraineté des cantons est préservée mais la Confédération peut leur imposer une décision.

Diphtérie obligatoire

Si les vaccins ne sont plus obligatoires aujourd’hui, il n’en a pas toujours été ainsi. Dans le canton de Vaud, le vaccin contre la diphtérie a cessé d’être obligatoire il y a une vingtaine d’années pour des questions budgétaires. A Genève, le même vaccin a officiellement été rayé des obligations… en 2016.

Combien de non-vaccinés?

Eric Masserey estime à 1% les enfants non vaccinés pour les injections de base diphtérie-tétanos-coqueluche et poliomyélite, en Suisse et dans le canton de Vaud. Anne-Claire Siegriest, vaccinologue et ex-présidente de la Commission fédérale pour les vaccinations, estime quant à elle les anti-vaccins à 3% de la population.