«Monnaie pleine»: enjeux d’une votation qui compte

  • Le 10 juin, les citoyens se prononceront sur l’initiative fédérale «Monnaie pleine».
  • Objectif des initiants: mieux contrôler la création d’argent afin de limiter le pouvoir des banques.
  • Pour les opposants, un «oui» augmenterait le coût des crédits. Pénalisant ainsi les PME et les ménages.

  • L’initiative «Monnaie pleine» vise à mieux contrôler le système financier suisse. FRANCIS HALLER

    L’initiative «Monnaie pleine» vise à mieux contrôler le système financier suisse. FRANCIS HALLER

  • L’initiative «Monnaie pleine» vise à mieux contrôler le système financier suisse. FRANCIS HALLER

    L’initiative «Monnaie pleine» vise à mieux contrôler le système financier suisse. FRANCIS HALLER

«Cela provoquerait des complications, une raréfaction du crédit ainsi qu’une augmentation de son coût»

Economiesuisse

Vous ne comprenez rien à l’initiative «Monnaie pleine»? Du coup, vous ne savez pas comment voter le 10 juin? Pas de panique! Pour y voir plus clair, il suffit de se pencher sur le texte des initiants. Que souhaitent-ils? D’abord que la Banque nationale suisse (BNS) devienne le seul établissement autorisé à créer de l’argent. Ensuite que l’argent électronique, celui des comptes en banque notamment, soit mis sur un pied d’égalité avec l’argent liquide.

Pourquoi changer?

A l’origine de cette initiative, l’association Modernisation Monétaire (MoMo) veut donc mettre fin au système actuel où la BNS émet 10% de l’argent en circulation au moyen des billets et pièces. Les 90% restants étant «fabriqués» par les banques lorsqu’elles octroient des crédits, par exemple. En d’autres termes, elles prêtent de l’argent qu’elles n’ont pas nécessairement. Pour y remédier, l’association MoMo entend redonner les pleins pouvoirs à la BNS afin de mieux contrôler le système financier. Ce qui comporterait de nombreux avantages selon les initiants: «L’argent de nos comptes courants sera entièrement sécurisé, car il s’agira de l’argent de la Banque nationale. Il sera plus facile de prévenir les bulles financières, car les banques ne pourront plus créer leur propre monnaie. L’Etat ne devra plus sauver les banques à coup de milliards juste pour maintenir le trafic des paiements.»

Opposition farouche

Du côté des opposants, on peut souligner une alliance inédite des grands partis nationaux (PLR, PDC, PS, UDC et Vert’libéraux) contre cette initiative. Pour l’association faîtière Economiesuisse, un «oui» réduirait la possibilité pour les banques d’octroyer des prêts. Elle ajoute: «Cela provoquerait des complications, une raréfaction du crédit ainsi qu’une augmentation de son coût. Les PME suisses, qui ne peuvent faire appel aux marchés internationaux des capitaux, seraient les premières touchées.»

Statu Quo

La BNS (lire ci-contre) et le Conseil fédéral figurent également au rang des opposants. Tout comme l’Association suisse des banquiers, dont la position se veut rassurante: «Le système monétaire et financier existant présente d’incontestables avantages et a prouvé qu’il fonctionnait très bien, tant pour la population que pour l’économie.» Dans une tribune parue dans le magazine Bilan, Paul H. Dembinski, économiste et professeur à l’Université de Genève, adopte cependant une position plus nuancée: «Le vote du 10 juin est important. Un refus modéré de l’initiative devrait permettre de maintenir la question de l’organisation de la finance helvétique à l’ordre du jour politique.»

Une étude universitaire attaque l'initiative

Menée par le professeur d’économie Philippe Bacchetta de l’Université de Lausanne, l’étude «The Sovereign Money Initiative in Switzerland: An Assessment» souligne les impacts négatifs de l’initiative «Monnaie pleine». Elle aurait des effets déstabilisateurs sur l’économie suisse. En réduisant, par exemple, la marge de manœuvre de la Banque nationale en matière de politique monétaire. Mais aussi en facilitant les excès dans l’octroi des crédits. Commandée par l’Association suisse des banquiers, cette étude a cependant été effectuée en toute indépendance d’après Philippe Bacchetta: «Je tenais à ce que le résultat de ce travail soit ouvert. Mais plus j’avançais dans l’analyse, plus j’ai identifié de problèmes liés à l’initiative.»

La BNS s'y oppose

Comme le Conseil fédéral, la Banque nationale suisse (BNS) rejette en bloc l’initiative «Monnaie pleine». Elle estime en effet que le système décentralisé actuel est efficace. Et qu’elle dispose des instruments nécessaires pour agir sur les taux d’intérêt et assurer la stabilité des prix. La BNS conclut ainsi sa prise de position: «Un régime de monnaie pleine ne pourrait donc pas tenir les promesses de l’initiative, à savoir garantir la sécurité du système financier et accroître la prospérité.»