Lausanne Cités: Pourquoi avez-vous exercé votre droit de préemption et racheté la totalité des actions de «GHI» et «Lausanne Cités» détenues par le groupe zurichois Tamedia?
Jean-Marie Fleury: L’annonce de la nouvelle de la vente par Tamedia, dont, je le rappelle, je n’avais pas été informé au préalable, a suscité de multiples réactions. Le standard téléphonique de GHI a failli exploser. Tant les lecteurs que de nombreux politiciens se sont sentis concernés. Pour beaucoup, il était impensable que Christoph Blocher, donc l’UDC, rachète nos journaux (ndlr: GHI appartient au groupe SPN SA qui détient également l’hebdomadaire Lausanne Cités), même si pour certains ils ne sont que de simples journaux gratuits. J’ai donc choisi de les racheter pour préserver l’indépendance éditoriale des titres que j’ai fondés il y a près de cinquante ans.
– Quelles marques d’encouragements avez-vous reçues?
– Beaucoup d’appels de la part des lecteurs, mais aussi de quelques politiciens de tous bords qui craignaient l’arrivée du «diable» zurichois en nos terres romandes. En revanche, je regrette qu’au-delà des encouragements, des gens se soient aussi imprudemment précipités pour appeler au boycott de GHI, sans tenir compte de la réalité et du droit de préemption que je pouvais exercer. Je regrette aussi que du côté de Genève, bien plus qu’à Lausanne, on se cantonne au wait and see, beaucoup de paroles et de bla-bla mais à ce jour rien de concret. C’est un peu comme pour les impôts des entreprises, on court derrière Lausanne mais on n’est pas près de les rattraper.
– Combien vous a coûté cette opération de rachat?
– Le montant est important, mais je tiens à ce qu’il demeure confidentiel.
– Redevenir seul propriétaire, c’est prendre un important risque financier dans un secteur en crise profonde…
– Incontestablement. Au cas où certains l’auraient oublié, la publicité est partout en forte baisse, la presse est en difficulté et beaucoup de journaux, qu’ils soient payants ou gratuits, sont déficitaires et disparaîtront au cours des prochaines années. Le groupe GHI-Lausanne Cités, lui, s’en sort encore relativement bien mais n’échappe pas au marasme général.
– Qu’attendez-vous des investisseurs locaux, annonceurs et autres collectivités publiques?
– Nous ne demandons aucune subvention ni aide directe ou indirecte. Nous comptons sur les annonceurs pour nous rester fidèles et faire ainsi perdurer GHI. N’oublions pas de relever une fois encore, que la combinaison de nos deux journaux a le plus fort tirage et le plus grand nombre de lecteurs de tous les médias lémaniques. Leur réputation d’excellent véhicule publicitaire n’est plus à faire. C’est pour cela que je souhaite aussi que la Ville de Genève et le Canton acceptent une bonne fois pour toutes de partager équitablement, avec GHI aussi, la manne publicitaire qu’ils distribuent dans les autres journaux de la place.
– Quelle est votre stratégie pour les années à venir?
– Continuer autant que possible de faire vivre un GHI libre et indépendant de tout courant politique et des grands groupes de presse qui monopolisent le marché suisse des médias. J’espère bien sûr que les lecteurs et les commerçants locaux nous aideront à relever le défi. Aujourd’hui, l’indépendance du titre est garantie. Il appartient désormais à tous les acteurs de faire aussi leur part pour préserver l’accès des Genevois à une information à la fois originale et indépendante.